vendredi 18 octobre 2019

RÉCITS, RACONTARS & BAVARDAGES DU COMMANDANT GARNIER


Curieux bonhomme que ce commandant Pierre Garnier qui, rentré en France, laissa son cœur billebauder en Afrique du nord et ses yeux fureter dans toutes les bibliothèques qui avaient l’heur de conserver traités et revues, correspondances ou bizarreries cynégétiques. 


Sorti de Polytechnique en 1832, il fit une partie de sa carrière dans l’Artillerie en Algérie, en revint décoré de l’amitié de Bombonnel et de Jules Gérard, les deux lanceurs de la mode littéraire des chasseurs de fauves.
 « Semblable à Nemrod, écrivit un de ses amis journalistes, le commandant Garnier était un fort chasseur devant l’Éternel, c’était en même temps un écrivain cynégétique des plus distingués. Chaque sorte de gibier lui était familière, aussi a-t-il pratiqué toutes les chasses possibles en France et en Algérie et mettait-il largement ses connaissances pratiques au service de ses confrères en saint Hubert. » Et de fait, on lui doit un petit livre charmant et recherché sur la chasse à l’alouette, mais aussi des ouvrages sur chevreuil, le sanglier, le renard, le blaireau le lapin, j’en passe et des meilleurs. 


Or, un manuscrit du commandant Garnier intitulé Histoire naturelle et chasse – Récits, racontars, bavardages, souvenirs et notes vient de surgir à la librairie, sous forme de trois cahiers d’écolier reliés en toile écrue et noircis d’une écriture fort lisible. Ils n’ont visiblement jamais été publiés et restent jusqu’à aujourd’hui inédits. Rédigés entre le 10 juillet 1892 et le 28 janvier 1893, il n’est pas farfelu de penser que ce fut l’un des derniers, si ce n’est le dernier écrit de l’auteur qui, né en 1811, avait 81 ans au moment de sa rédaction. Il allait mourir en 1899.
                En grande partie consacré au gibier et à la domesticité des animaux sauvages, on trouve dans ce manuscrit, de très nombreuses anecdotes sorties de ses lectures et de son expérience. On y saute, allégrement, des attelages de cerfs à la chasse aux girafes, de la description d’un enfant-crocodile à la cuisson du hérisson, en passant par la pêche d’un esturgeon mahousse, la chasse à l’aide du léopard, l’évocation du dernier lynx tué en Allemagne, des considérations sur la rage, le portrait de deux bassets valets de cuisine, des racontars sur le loup, &c. De très nombreuses considérations sur la captivité des animaux sauvages à plume et à poil et sur leur comportement en détention ne manquent pas d’intérêt.



                Mais ce qui est le plus émouvant ici, c’est, comme nous l’apprend une mention sur le troisième cahier, que ces miscellanées furent expressément écrits pour Albert Garnier, le petit frère de Pierre. Au détour d’une page du Journal des chasseurs, on apprend de la plume même du commandant, que « près de deux lustres » les séparaient.  Pourtant, les deux  frères-chasseurs s’entendaient à merveille même si, c’est encore le Journal des chasseurs qui vend la mèche, ils se chamaillaient un peu au sujet de la chasse aux alouettes. Albert apparait, ici et là, en filigrane, dans les articles que Pierre donna aux journaux de plein air.  Le puiné ne put s’empêcher, par exemple, de taquiner la flemme fraternelle de son cadet : « Mon frère, qui, pendant bien des années, a chassé le lièvre et qui ne laissait courre que ce gentil quadrupède à ses sept ou huit bons chiens, n'a pas encore eu le courage de coucher par écrit les remarquables et curieux incidents de chasse dont il a été témoin ; je le regrette d'autant plus qu'il était excellent observateur. Je parle ici au passé; car il ne pratique plus et m’a cédé sa petite meute. » 
                On retrouve le commandant Garnier tout entier dans ce soupir. On a beau chasser l’écrivain-chasseur, il revient toujours au petit trot, portant cartouchière et encrier. © villa browna

LE MANUSCRIT QUI NOUS A PERMIS D'ÉCRIRE CETTE LORGNETTE:
Manuscrit - Commandant Garnier
Histoire naturelle et chasse – Récits, racontars, bavardages, souvenirs et notes.
Auxonne, trois cahiers d’écolier reliés en toile écrue. 1892-1893
Les trois cahiers sont  noircis d’une écriture serrée et lisible.
Miscellanées de chasse et d’histoire naturelle par un des aimables auteurs- journalistes cynégétiques de la seconde moitié du XIXe s.  

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