mardi 26 mai 2020

CYNÉGÉTIQUE ET SPORTIVE, LA REVUE BIEN NOMMÉE

#PourCeuxQuiSontPressés
Deux bizarreries atteignent les dernières années de la Gazette des sports, on peut évoquer deux bizarreries. Et de une : La Gazette, sans crier gare, se métamorphosa en Revue cynégétique et sportive. Et de deux : sous ce titre, c’est trois - et non pas deux années comme l’annonce l’incontournable Thiébaud - qui parurent. Voilà qui suffirait à faire de cet ensemble une rareté. Or, les raretés ont beau être rares, elles peuvent parfois être rasoir. Ce n’est pas le cas ici, chaque numéro donnant à lire des nouvelles, des historiettes, des anecdotes, des conseils et même des annonces très divertissantes.



Pour ceux qui n'ont pas non plus le temps, mais qui le prennent quand même
Trois années illustrées
C’est donc en 1892, 1983 et 1894 que la Revue cynégétique et sportive parut. Le bibliographe, qui ne doit pas rougir de sa faute, lui qui en fit si peu, eut cependant raison de relever l’abondance de l’illustration Cette revue consacrée exclusivement et dès sa naissance, à la chasse et à la pêche en regorge : vignettes de rubriques, culs-de-lampe, lettrines et nombreux hors-texte. Certains sont de Frédéric Masson dont le don d’aquarelliste est toujours célébré aujourd’hui. Le garçon ne se débrouillait pas mal non plus à l’écrit comme nous pouvons le lire au fil de quelques articles de la revue. Guydo, pseudonyme du baron Guillaume d'Orgeval, qui fera plus tard les beaux jours de la Semaine de Suzette, donne aussi quelques vignettes amusantes qui viennent rythmer les pages de la revue. Or, si l’habit ne fait pas toujours le moine, ici c’est le cas puisqu’il y autant à voir qu’à lire.
l'invite du chasseur de Guydo
De grands noms, mais pas que
En effet, Cerfon de La chasse sous terre et de La chasse à courre du lièvre, Levesque connu pour ses Déplacements, Comminges dont les ouvrages d’équitation ont parfois été illustrés par Crafty, Emile Maison dont le Poil et plume nous mena dans les cinq parties du monde - pour ne citer que ceux-là – ont prêté leur talent à la Revue. A côté de ces écrivains cynégétiques bien établis, apparaissent d’autres collaborateurs dont quelques-uns donnent de vraies bonnes pages à lire. Nous pensons entre autres à ce Sarcé qui fait une délicieuse et tendre oraison funèbre de Tom, un braque « qui ne payait pas de mine, car il était mal coiffé et d’une couleur indécise tirant sur le gris sale. Mais en revanche quels yeux pétillants d’intelligence ! » Nous pensons aussi S. Vitrey de Bourbonne qui brosse le portrait du loup dans les Vosges en n’oubliant pas de saupoudrer son propos de quelques anecdotes savoureuses dont celle, par exemple, de ce loup, neutralisé à grand renfort de poison, qu’un gars du coin rapporta dans son village en se vantant de l’avoir tué à coups de bravoure et de bâton. L’auteur, inquiet de la disparition de la dépouille lupine, parvint à retrouver sa trace. Il mit en garde les villageois : « les dames étaient à la messe du dimanche ; et les maris surveillaient dévotement ce rôti à la strychnine, lorsque notre petite confidence mit fin aux préparatifs culinaires. »
le trait élégant de Frédéric Masson

Superstition et munition 
Au fil des numéros, Henri Torius et Paul Montserbé nous présentent aussi les équipages de chasse à courre. Il y est question par exemple de l’équipage du comte Raoul de Rochebrune que l’on voit reparaitre quelques numéros plus tard, le fusil à la main, auréolé de ses succès bécassiers. La chasse occupa tant Rochebrune que c’est en chasseur qu’il se fit représenter au sommet de sa tombe. Côté chassés, le loup, les ours, les canards sauvages sont mis à l’honneur au même titre que les perdrix qu’un certain Fallières aime à aller, tôt, « trouver encore aux chaumes d’où elles partent de bonne heure pour aller faire la sieste dans les landes et les champs de genêts. » Mais déjà en 1892, Hublot du Rivault dans une brève, affirme que  « bientôt, chez nous, la caille deviendra légendaire. » On oublie cette triste prédiction en lisant les exploits des chiens broussant dans les ronciers bretons, le récit d’une chasse à bicyclette ou celui du premier lièvre que chassa M. d’Aigny, encore garçonnet. Il lui en coûta 4 francs et la confiscation de son fusil. Quant au sanglier, il est souvent à l’honneur dans ces pages et parfois avec drôlerie comme dans  ce « 13e  sanglier de mon cousin V… » qui mêle superstition et munition !


Vernis blanc de l’Ancien Cocher et Eau de sang

Cette revue qui ne se targua pas d’être la plus brillante ni la plus lancée de l’époque, n’en reste pas moins une des plus aimables. On y glane de bienveillants conseils toujours donné avec gentillesse. Ainsi Frédéric Masson, dont les représentations de chiens firent la réputation, considère que « chacun a droit incontestable de croire que son chien est un phénix et de le crier sur les toits. Mais il faut cependant rester dans le vraisemblable si on ne veut pas se voir contredire ». Comminges, lui, donne ses trucs de sellerie : nous aurions bien aimé jeter un œil sur le Vernis blanc de l’Ancien Cocher et sur l’Eau de sang, parait-il formidables pour maintenir les vieux harnachements « qu’on veut user jusqu’au bout ». Quant au sieur d’Aignay qui reconnait que « c’est en chassant qu’on devient bon tireur »,  il prend soin de mettre un bémol à cet adage bien connu : « il est certain que la pratique de la chasse ne suffit pas et qu'il faut encore posséder les dispositions naturelles nécessaires pour devenir à peu près certain de ses coups et qu'on voit des chasseurs rester, en dépit d'une grande pratique, maladroits pendant toute leur vie. Mais ces chasseurs sont des exceptions qui se rencontrent parmi tous ceux qui se livrent aux exercices du corps, quels qu'ils soient, et à ceux-là on peut donner un conseil, celui d'abandonner la chasse et de choisir autre distraction. » Une autre distraction ? Pourquoi pas celle de se constituer une jolie bibliothèque de livres de chasse qui font voyager dans le temps et l’espace, qui font rêver, frémir et rire. © texte et illustrations villa browna
 
La Revue qui a permis de rédiger cette lorgnette est la suivante:
Revue cynégétique et sportive
Saint-Étienne, 1892, 1893, janvier- 9 septembre 1894.
Dernières années de parution, sous un titre renouvelé, de la peu commune Gazette des sports.
In-4, demi-reliure éditeur. Nombreuses figures.
Th.331 qui ne mentionne que deux des trois années.
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