C’est donc en 1892, 1983 et 1894 que la Revue cynégétique et sportive 
parut. Le bibliographe, qui ne doit pas rougir de sa faute, lui qui en 
fit si peu, eut cependant raison de relever l’abondance de 
l’illustration Cette revue consacrée exclusivement et dès sa naissance, à
 la chasse et à la pêche en regorge : vignettes de rubriques, 
culs-de-lampe, lettrines et nombreux hors-texte. Certains sont de 
Frédéric Masson dont le don d’aquarelliste est toujours célébré 
aujourd’hui. Le garçon ne se débrouillait pas mal non plus à l’écrit 
comme nous pouvons le lire au fil de quelques articles de la revue. 
Guydo, pseudonyme du baron Guillaume d'Orgeval, qui fera plus tard les 
beaux jours de la Semaine de Suzette, donne aussi quelques 
vignettes amusantes qui viennent rythmer les pages de la revue. Or, si 
l’habit ne fait pas toujours le moine, ici c’est le cas puisqu’il y 
autant à voir qu’à lire.
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| l'invite du chasseur de Guydo | 
De grands noms, mais pas que
 En effet, Cerfon de La chasse sous terre et de La chasse à courre du lièvre, Levesque connu pour ses Déplacements, Comminges dont les ouvrages d’équitation ont parfois été illustrés par Crafty, Emile Maison dont le Poil et plume nous mena dans les cinq parties du monde - pour ne citer que ceux-là – ont prêté leur talent à la Revue.
 A côté de ces écrivains cynégétiques bien établis, apparaissent 
d’autres collaborateurs dont quelques-uns donnent de vraies bonnes pages
 à lire. Nous pensons entre autres à ce Sarcé qui fait une délicieuse et
 tendre oraison funèbre de Tom, un braque « qui ne payait pas de mine, 
car il était mal coiffé et d’une couleur indécise tirant sur le gris 
sale. Mais en revanche quels yeux pétillants d’intelligence ! » Nous 
pensons aussi S. Vitrey de Bourbonne qui brosse le portrait du loup dans
 les Vosges en n’oubliant pas de saupoudrer son propos de quelques 
anecdotes savoureuses dont celle, par exemple, de ce loup, neutralisé à 
grand renfort de poison, qu’un gars du coin rapporta dans son village en
 se vantant de l’avoir tué à coups de bravoure et de bâton. L’auteur, 
inquiet de la disparition de la dépouille lupine, parvint à retrouver sa
 trace. Il mit en garde les villageois : « les dames étaient à la messe 
du dimanche ; et les maris surveillaient dévotement ce rôti à la 
strychnine, lorsque notre petite confidence mit fin aux préparatifs 
culinaires. » 
  | 
| le trait élégant de Frédéric Masson | 
Superstition et munition 
 Au
 fil des numéros, Henri Torius et Paul Montserbé nous présentent aussi 
les équipages de chasse à courre. Il y est question par exemple de 
l’équipage du comte Raoul de Rochebrune que l’on voit reparaitre 
quelques numéros plus tard, le fusil à la main, auréolé de ses succès 
bécassiers. La chasse occupa tant Rochebrune que c’est en chasseur qu’il
 se fit représenter au sommet de sa tombe. Côté chassés, le loup, les 
ours, les canards sauvages sont mis à l’honneur au même titre que les 
perdrix qu’un certain Fallières aime à aller, tôt, « trouver encore aux 
chaumes d’où elles partent de bonne heure pour aller faire la sieste 
dans les landes et les champs de genêts. » Mais déjà en 1892, Hublot du 
Rivault dans une brève, affirme que  « bientôt, chez nous, la caille 
deviendra légendaire. » On oublie cette triste prédiction en lisant les 
exploits des chiens broussant dans les ronciers bretons, le récit d’une 
chasse à bicyclette ou celui du premier lièvre que chassa M. d’Aigny, 
encore garçonnet. Il lui en coûta 4 francs et la confiscation de son 
fusil. Quant au sanglier, il est souvent à l’honneur dans ces pages et 
parfois avec drôlerie comme dans  ce « 13e  sanglier de mon cousin V… » qui mêle superstition et munition !

 
 
 

 
Vernis blanc de l’Ancien Cocher et Eau de sang
 
Cette
 revue qui ne se targua pas d’être la plus brillante ni la plus lancée 
de l’époque, n’en reste pas moins une des plus aimables. On y glane de 
bienveillants conseils toujours donné avec gentillesse. Ainsi Frédéric 
Masson, dont les représentations de chiens firent la réputation, 
considère que « chacun a droit incontestable de croire que son chien est
 un phénix et de le crier sur les toits. Mais il faut cependant rester 
dans le vraisemblable si on ne veut pas se voir contredire ». Comminges,
 lui, donne ses trucs de sellerie : nous aurions bien aimé jeter un œil 
sur le Vernis blanc de l’Ancien Cocher et sur l’Eau de sang,
 parait-il formidables pour maintenir les vieux harnachements « qu’on 
veut user jusqu’au bout ». Quant au sieur d’Aignay qui reconnait que 
« c’est en chassant qu’on devient bon tireur »,  il prend soin de mettre
 un bémol à cet adage bien connu : « il est certain que la pratique de 
la chasse ne suffit pas et qu'il faut encore posséder les dispositions 
naturelles nécessaires pour devenir à peu près certain de ses coups et 
qu'on voit des chasseurs rester, en dépit d'une grande pratique, 
maladroits pendant toute leur vie. Mais ces chasseurs sont des 
exceptions qui se rencontrent parmi tous ceux qui se livrent aux 
exercices du corps, quels qu'ils soient, et à ceux-là on peut donner un 
conseil, celui d'abandonner la chasse et de choisir autre distraction. »
 Une autre distraction ? Pourquoi pas celle de se constituer une jolie 
bibliothèque de livres de chasse qui font voyager dans le temps et 
l’espace, qui font rêver, frémir et rire. © texte et illustrations villa browna