#PourCeuxQuiSontPressés
372 photos collées dans un album au plat duquel
ont été dorées les lettres composant le titre « CHATEAU DE
BONNETABLE ». 372 tirages originaux qui révèlent la vie de plein air de
l'un des sportsmen les plus accomplis de l’extrême fin du XIXe et des tous débuts
du XXe s, prélude fringant d’un siècle qui allait se révéler le plus meurtrier
de notre histoire. 372 images dont le surgissement inattendu ravit le
bibliophile cynégétique et l’amateur de la « vie d’avant » 1914,
voilà ce qui constitue cet album miraculeux.
Pour ceux qui n'ont pas non plus le temps, mais qui le prennent
quand même
Foudroyé par
une appendicite
La notice nécrologique parue en janvier 1907 dans la Revue olympique(1) esquisse assez bien la personnalité sportive de Charles de La
Rochefoucauld, cette force de
la nature qui s’éteignit précocement à l’âge de 43 ans des suites d’une très
fâcheuse appendicite en son domaine
sarthois de Bonnétable : « Le monde sportif français a fait
une perte sensible en la personne du vicomte de La Rochefoucauld, fondateur et
ancien président du Polo-Club de Paris. Rompu de bonne heure à la pratique de
la plupart des exercices physiques, Charles de La Rochefoucauld se montrait
avant tout passionné d'équitation. C'était un cavalier vigoureux et d'une
hardiesse extrême. A Pau où il suivait régulièrement les chasses renommées pour
leur rudesse, il comptait parmi les plus osés. L'introduction du polo en France
fut entièrement son œuvre ; aidé de quelques amis, il créa non sans rencontrer
des difficultés de toutes sortes, le cercle de Bagatelle. Il présidait le
Comité organisateur des Jeux Olympiques de 1900 ; dans cette fonction ses qualités
l'eussent fort bien servi; mais il se laissa effrayer par des conseils
intéressés et se retira […]. Peu après, le vicomte de La Rochefoucauld
abandonna également la présidence du Polo et cessa de participer à la direction
du mouvement sportif ; mais il continua de pratiquer ses exercices favoris y
apportant, non pas seulement son entrain musculaire, mais l'extrême énergie de
sa nature amie de l'effort. »

Pas de grands airs mais le Grand airPierre de Coubertin(2) ne dit pas
autre chose, donnant du sportsman, un portrait sans fard: « Charles de La
Rochefoucauld était pour moi un ami d’enfance et un camarade de collège ;
de tout temps j’avais admiré son énergie confinant parfois, il est vrai, à la
brutalité ; mais sa haute situation sociale palliait cet inconvénient. Il
était fort capable de persévérance obstinée ainsi qu’il en avait fait preuve
dans la création de son Polo Club de Bagatelle. Sportsman passionné, il
s’intéressait à toutes les manifestations sportives sans n’être inféodé à
aucune de ces “petites chapelles” dont comme le vicomte de La
Rochefoucauld, je redoutais tant l’influence. »
Entre ces lignes, on comprend que les grands airs déplaisaient à Charles qui
leur préférait nettement le Grand air. Vous pouvez froncer le nez, faire vos
Saint-Thomas autant que vous voudrez et mettre en doute ces témoignages. Nous n’en
avons cure, forts des 372 preuves tirées sur papier qui, sous nos yeux,
prouvent sans forfanterie que la vie d’extérieur fut la vraie passion de ce corps
nerveux surmonté d’un visage rond qu’une moustache en croc, un nez aigu et deux
yeux en billes animaient.
Qui veut chasser dur, choisit bien sa monture
Outre quelques photos de l’intérieur de Bonnétable – rare témoignage, en
passant, du goût de l’époque –, chaque page de l’album que nous repassons
aujourd’hui est de plein air. La chasse y est omniprésente. Et tout d’abord
celles que Charles mène chez lui à Bonnétable et celles qu’il va suivre à 160
kms de là, à Serrant, chez son beau-père La Trémoïlle. Vaufreland(3) n’y va pas
par quatre chemins conseillant de s’assurer de son assiette et de sa monture avant
de se risquer à aller chasser avec lui : « B
onnétable […] est placé dans un pays coupé ; où les talus, les barrières
des champs, les rivières mouillent le terrain à l'infini et rendraient la
chasse impossible à tout veneur n'ayant pas de chevaux de premier ordre. »
Le mieux est de monter «
des hunters
soit anglais, soit irlandais qui permettent de passer partout. » En
1889, Vaquier(4) avait déjà soulevé la difficulté de ces chasses en écrivant
que « la vicomtesse de La Rochefoucauld, née la Trémoïlle, suit aussi les
chasses avec beaucoup d'ardeur; elle monte toujours des chevaux irlandais, avec
lesquels elle affronte les terrains les plus difficiles. » Les chevaux sont
la belle affaire de ces hommes et de ces femmes qui durent naître centaures
dans une autre vie. Dans l’album, ils sont légion, croupe à nu, ou chevauchés par
Charles. Leurs noms sont renseignés avec le même soin que ceux des amis qui peuplent
l’album : il y a Nausegay, Trilby III, Fred dit « Sous-off », et
Bessie, et Bhui-Bhui, &c.


A courre, à
fusil, en mouvement
Les très nombreuses photos de chasse qui colonisent
aussi ces pages sont prises sur le vif, au débotté. Quand on vit dans le
sillage de Charles de La Rochefoucauld, on ne pose pas. On s’active pour hâter
le départ, on sonne, on rameute ou on rapporte selon qu’on soit piqueux ou
chien de chasse, on marche, on casse, on pointe son fusil, on scrute, on franchit
– à pied ou à cheval – les obstacles, on reçoit les honneurs. Les chiens
passent si rapidement qu’ils en sont flous, les chevaux sautent si haut, si
loin qu’on ne les photographie qu’à demi. Seuls les saumons mahousses qui
viennent d’être pêchés restent immobiles. Sans se préoccuper de l’objectif, on
fume, on discute, on tourne le dos, on se mouche, on glisse sur le varech de
Sandown. Sans qu’on se l’explique, une joie de vivre plane sur les feuillets
que quelques photos ponctuent d’éclats de rire : des militaires, un invité
pissent dans un coin ? On rit, on clic-claque et on ponctue la légende
« cochon » d’un point d’exclamation amusé.

Banc, transat et pique niques
Et, quand on daigne souffler un
moment, c’est pour poser en bande sur un banc de Bonnétable ou c’est pour installer
son transat face au soleil. Surtout, on en profite pour casser la croûte. Dans
cet album, nombreux sont les pique-niques. En Ecosse où l’on chasse, il se fait
dans la lande, au bord de l’étang où l’on pêche, il gagne en confort grâce à un
réchaud de campagne et à une table d’appoint surmontée d’un petit dais-parasol.
A Oloron-Sainte-Marie où, une fois n’est pas coutume, on se prélasse en costume
de ville, on dresse une tente blanche à laquelle on suspend son canotier, on
débouche force bouteilles, on prend les marmots sur les genoux, ce qui complique
considérablement l’opération délicate d’attraper son verre plein.
Un doux mélange
Ce sont des intimes qui
peuplent essentiellement cet album. L’entre soi est un doux mélange de
l’aristocratie française, de la haute banque de l’époque et des sportsmen &
women d’Europe. Les v
illégiatures sportives à
Pau, à Rome, en Ecosse, sur l’île de Wight et en Norvège, les parties de
croquet, de pique-niques, les matinées enneigées à Bonnétable, les après-midis
aux courses, on les vit ensemble et d’abord en famille. Souvent apparait la
silhouette mince et barbue de Louis-Charles de La Trémoïlle, le
beau-père de Charles qui épousa en 1885 sa fille Charlotte. La Trémoïlle tâte,
on le voit, avec la même élégance, du fusil et du tricycle. Sa femme étant née
Duchâtel, on ne s’étonne pas de voir sur les photos des représentants de sa
famille. C’est en toute amitié sportive que sont également photographiés le
baron Hottinguer, quelques Fels, Mallet, Noailles, Brissac, Luynes, Trédern et Chevigné,
le
prince Napoléon Bonaparte, les
miss Platt et Potter, les dames Peabody et Bartlett, cavalières émérites, mais
aussi le Prussien
comte Moltke et
l’anglais number one de l’époque, le prince
de Galles, qui était ami du père de Charles, assez pour avoir séjourné à
Bonnétable, et que l’on voit ici photographié à Cannes.

Charles superstar
Mais, qu’il soit à
cheval ou à pied, c’est Charles qui est
la vedette incontestée de cet album. On le retrouve partout où s’ébattent
cavaliers, chasseurs et chiens, où apparaissent tricycle, canne à pêche,
attelages et voitures. Son caractère bien trempé transparait à sa
manière énergique de monter à cheval que l’on regrette de ne pas retrouver sous
le crayon définitif de Sem. Pied à terre, sa manière de se tenir ne varie
pas : debout, il semble ancré dans le sol; assis, il se fiche résolument
à califourchon sur une chaise retournée. On a beau le savoir un tantinet brut
de décoffrage, on le découvre - finalement sans grand étonnement - aimablement
entouré par des amis qu'il rendit visiblement heureux. Il fut aimé de sa femme
à qui l’on doit le légendage de l’album et – c’est en partie son ombre qui la
trahit – bon nombre des clichés présents. Charles était adoré de son père qui ne survécut pas
à sa mort brutale. « La santé du duc de Doudeauville s'était altérée surtout
depuis la mort de son fils aîné le vicomte Charles de La Rochefoucauld, décédé
le 25 février 1907, au château de
Bonnétable. Cette séparation lui avait, en effet, causé un véritable désespoir,
et il ne s'en était jamais consolé. Le mois dernier il s'était alité. [...] Sa
bonté, sa simplicité, qui le faisaient aimer de tous, se peignent dans ce
dernier trait : se sentant perdu, il avait voulu que ni sa maladie ni sa
mort ne changeassent rien aux fêtes et il avait ordonné que le château fût
illuminé dimanche, comme à l'ordinaire, à l'occasion du Comice agricole. »
Si cet album est le rare témoignage de la vie d’un sportsman au tournant du XIXe s., il est peut-être, aussi,
la marque aimable d’un monde qui irait agonisant à partir d'août 1914.
© texte et illustrations villa browna infos & commande

(1) le bulletin
trimestriel du Comité international olympique
(2) dans son livre
Une Campagne de vingt-et-un ans,
consacré aux Jeux olympiques
(3)dans le
Sport
universel illustré, en 1901
(4) dans sa
Vénerie
moderne
Le livre qui nous a permis de raconter cette
lorgnette est disponible à la libraire. Il s’agit de :
La Rochefoucauld,
Charles de - Album de
photographies de Charles, vicomte de La Rochefoucauld-Doudeauville, Sportsman
In-4, format à l’italienne. Plat frappé en lettres
d’or de la mention de Château de Bonnétable, propriété de Charles de La
Rochefoucauld-Doudeauville.
Ensemble de toute rareté. Ce sont 372 tirages
originaux que nous présentons ici. Ces tirages de différentes tailles sont réunis dans un album de 51 feuillets
cartonnés, remplis recto verso.
Ces photos témoignent de la vie quotidienne de
Charles de La Rochefoucauld, cavalier et chasseur accompli, Elles immortalisent
la vie sportive et amicale de celui qui fut l’ami et le collaborateur de P. de
Coubertin et le fondateur du Polo de Paris. On y recense de nombreuses image datées de 1900 et 1901 des chasses à tir et à courre du château de Serrant, ces
dernières étant réputées périlleuses. Images de pêches et de chasses à tir à
Bonnetable. Villégiatures sportives à Pau, à Rome, en Ecosse et en Norvège où
les saumons sont impressionnants. Parties de croquet, pique-niques, journées
aux courses. De nombreuses personnes figurant sur les photos sont renseignées.
On y rencontre, entre autres, le baron Hottinguer, le duc de La
Trémoille et le prince de Galles, des Fels, Mallet, Noailles, Luynes, Trédern
et Chevigné, bref, un gai mélange de l’aristocratie et de la haute banque de
l’époque. Mais, qu’il soit à cheval ou à pied, c’est Charles qui est la vedette incontestée de cet
album. On le retrouve partout où s’ébattent cavaliers, chasseurs et chiens, où
apparaissent tricycle, canne à pêche, attelages et voitures. Rare
témoignage de la vie d’un sportsman
au tournant du XIXe s. infos & commande
