#PourCeuxQuiSontPressés
#HuzardRuséBibliophile
#VenteDuVerneBernisSothebys#ExemplaireTatoué
#VieDeChien #GalerieDeChapeaux
#DouzeSujetsDeChasse #FrançoisGrenier
#Lorgnette #VillaBrowna
Pour ceux qui n'ont pas non plus le
temps, mais qui le prennent quand même.
![]() |
Rare couverture de livraison romantique |
Le hasard sert bien les livres
quelquefois. Deux exemplaires des Douze
sujets de chasse à tir délicieusement dessinés par François Grenier et
publiés chez Motte en 1830, viennent simultanément de faire leur apparition. La
bibliophilie comme la musique peut se savourer en stéréo. L’un des exemplaires
figure à la très prestigieuse, très attendue vente de la bibliothèque cynégétique
du Verne – Bernis qui a lieu le 5 octobre prochain(1). L’autre qui fit partie
de la non moins célèbre bibliothèque de Jean-Baptiste Huzard vient tout juste de
faire son apparition sur les tablettes de la librairie.
En ce cas, comment résister à la tentation de mettre face à face les deux célèbres bibliothèques ? Ou plutôt… Pourquoi résister ? Que celui ou celle qui a quelque chose à dire se lève ou se taise à jamais… Quelqu’un ? Personne ? Bien ! Reprenons et commençons par le commencement.
En ce cas, comment résister à la tentation de mettre face à face les deux célèbres bibliothèques ? Ou plutôt… Pourquoi résister ? Que celui ou celle qui a quelque chose à dire se lève ou se taise à jamais… Quelqu’un ? Personne ? Bien ! Reprenons et commençons par le commencement.
L’exemplaire du Verne – Bernis qui passe en
vente le mois prochain est complet de ses rares couvertures romantiques de livraison
bleues. Sont reliés à la suite douze autres sujets et leurs couvertures vertes.
C’est bien, c’est beau. C’est estampillé de l’une des plus mythiques
collections de livres de chasse qui soit parvenue jusqu’à nous. L’album, tout comme
le seront les autres livres mis à l’encan ce même jour, sera séparé du reste de
la bibliothèque et, solitaire, naviguera désormais de mains en mains amoureuses.
C’est ce même sort qui fut réservé à l’exemplaire
que nous présentons à la librairie. Inscrit au Catalogue de la bibliothèque de feu M. J.-B. Huzard (2), il fut lui aussi rétrogradé, le temps d’une
vente, à l’état de numéro. Le numéro 5298 pour être précis. Ayant trouvé acquéreur,
il connut en somme plus de chance que le numéro 6 de la série du Prisonnier, puisqu’alors que Patrick
McGoohan continue sans résultat à crier « I am not a number, I AM A FREE MAN! », l’album des lithographies de Grenier a pu
très rapidement claironner : « Je ne suis plus un numéro. Je suis un
livre libre ».
![]() |
la griffe Huzard |
Si l’exemplaire du Verne-Bernis des Douze sujets de chasse à tir est lisse
et beau comme un bébé Cadum de réclame, l’exemplaire Huzard est quant à lui
tatoué à la manière des rudes marins, des Maori d’autrefois, des yakusas
d’aujourd’hui, en un mot il est lié à Huzard, comme les autres le sont à la
mer, à leur tribu, à l’hyper secrète organisation nipponne. Il a d’une part été
marqué de la griffe Huzard, espèce d’empreinte encrée mêlant signature spiralée
d’Huzard et triple scarification version B.C.G. D’autre part, Huzard,
bibliomane compulsif, a pris le temps, une règle et sa plus belle écriture
cursive pour ajouter à l’encre son ex-libris manuscrit et la table des
planches, sur les pages blanches qui précèdent et suivent la page de couverture. On y trouve aussi le tampon sec de l'éditeur Charles Motte, "imprimeur éditeur de S.A.R Monseigneur le Duc d'Orléans et de S.A.R. Monseigneur le Duc de Chartres" et à la couverture l'étiquette contrecollée de Giraldon-Bovinet;
marchand d'estampes au passage Vivienne.
![]() |
le tampon sec Motte |
Les douze planches qui figurent à l’album, parues
une dizaine d’années avant la mort d’Huzard, ont dû bien charmer le vieux
bonhomme pour qu’il s’y applique comme un écolier. On comprend aisément
pourquoi puisqu’on y trouve l’alliance rare de la délicatesse du lithographe
qui maitrise son art et du sens consommé et poétique de l’arrière-plan. Il s’en
dégage une tendresse particulière pour les enfants et les chiens, ces innocents
bienheureux ivres de grand air et de courses folles. Les toutous surtout s’en
donnent à cœur joie : il y a celui qui se gratte avec application, celui
qui se roule énergiquement dans l’herbe, celui qui lape sans vergogne le sang
du lapin qui vient d’être ramassé, celui qui partage en frère l’eau de la
gourde de son chasseur de maitre, celui qui pendant l’affut somnole la tête
haute mais l’œil fermé, celui qui sait aussi suivre les stupides humains, l’oreille basse et le
fouet immobile quand le mauvais temps gâche tout, sauf peut-être le plaisir des
flaques et des odeurs qui montent de la terre mouillée.
Du balcon de notre époque déchapeautée où la
casquette de base-ball règne en impératrice, c’est un délice de détailler les
couvre-chefs des personnages mis en scène par François Grenier. Peintre et
lithographe, élève de David, Grenier avait démarré sa carrière avec
des scènes napoléoniennes, avant de se tourner après la Restauration, résolument,
vers les scènes de genre et de campagne. On ne peut le blâmer d’avoir préféré
aux cadenettes certes chics des hussards, les
chapeaux mous déglingués, les pailles clairs et amidonnés, les ancêtres du deerstalker de Sherlock Holmes, les bords larges du paysan habitué aux
ardeurs du soleil, les petits bonnets souples des enfants.
Grenier est un
observateur hors pair. Chaque tableau est une action de chasse qui met en scène
avec esprit des chasseurs de tous crins. La majorité d’entre eux sont de beaux
jeunes gens, à la peau douce et au favori en folie. Mais il a aussi il y a le
novice, visage attentif et dos bien droit écoutant religieusement son ainé. Il
y a le paysan, un œil sur les pommes de terre qu’il est en train de butter,
histoire de ne pas se planter la serfouette dans le pied nu, l’autre œil rivé
sur le chasseur sans chien qui s’escrime à rattraper son gibier blessé. Il y a
encore le braco en sabots, arborant un menton avancé d’édenté, une narine
palpitante et la paupière mi-close. Il y a des mioches aussi, aux joues rondes,
au cheveu coupé à la serpe, au bonnet dont la blancheur accentue la bonne mine. Tous ont été dessinés
avec un humour bienveillant.
Tout le charme de ce recueil est auréolé par
sa provenance. Dans le discours que le baron de Silvestre lut aux obsèques d’Huzard,
son vieil ami bibliophile, il serina
qu’il « serait vivement à regretter qu’une si
précieuse bibliothèque fût dispersée par l’effet d’une vente publique ou qu’elle
fût portée entière à l’étranger ». Il dut regretter vivement puisqu’elle
fut mise en vente sans autre forme de procès. Et outre quelques ouvrages de médecine vétérinaire qui
purent être rachetés par l'Ecole d'Alfort, tout le restant fut vendu aux quatre
vents. Quand on sait que catalogue de ses livres, dessins et estampes nécessita
pas moins de trois tomes et recensa 40 000 volumes couvrant pratiquement tout
ce qui avait été publié jusqu'en 1837 dans les domaines des sciences
naturelles, médicales, vétérinaires, de l'agriculture, de l'équitation et de la
chasse, il y a de quoi avoir le vertige.
Ce monument
bibliophilique, fruit de plus de soixante ans de recherche d’un seul homme est
à comparer à la bibliothèque du Verne – Bernis constituée, elle, par trois
générations de furieux collectionneurs, le père, le fils et la petite-fille. Ce
n’est pas la seule différence qui sépare les deux collections.
Joseph du Verne s’approvisionna aux plus prestigieuses bibliothèques, dispersées en leur temps par l’entremise de ventes aux enchères historiques comme celle du baron Pichon en 1894. L’année de sa mort, en 1933, fut mise à l’encan la bibliothèque cynégétique de la duchesse d’Uzès. Ce fut pour son fils Pierre une manière toute désignée de mettre le pied à l’étrier. Quant à son tour il mourut, sa fille Nicole reprit le flambeau. Elle aura eu pour sa part, la chance de pouvoir puiser à de grandes collections comme celle de Marcel Jeanson que les manitous de Sotheby's, déjà eux, commencèrent à vendre en 1987 à Monaco.
Joseph du Verne s’approvisionna aux plus prestigieuses bibliothèques, dispersées en leur temps par l’entremise de ventes aux enchères historiques comme celle du baron Pichon en 1894. L’année de sa mort, en 1933, fut mise à l’encan la bibliothèque cynégétique de la duchesse d’Uzès. Ce fut pour son fils Pierre une manière toute désignée de mettre le pied à l’étrier. Quant à son tour il mourut, sa fille Nicole reprit le flambeau. Elle aura eu pour sa part, la chance de pouvoir puiser à de grandes collections comme celle de Marcel Jeanson que les manitous de Sotheby's, déjà eux, commencèrent à vendre en 1987 à Monaco.
![]() |
Ex-libris manuscrit |
![]() |
Le déjeuner ou Comment partager en frères |
Jean-Baptiste Huzard ne fonctionna pas du tout de cette façon et préféra butiner à droite, à gauche, ici et là. « Dès sa plus tendre jeunesse Huzard avait consacré tous ses moyens pécuniaires à l’acquisition de livres utiles dans la carrière qu’il voulait embrasser. Il ne pouvait résister au désir d’acquérir un ouvrage remarquable de médecine vétérinaire ou d’histoire naturelle qu’il ne possédait pas encore et il cachait avec le plus grand soin les produits de ses acquisitions successives. Il avait commencé à l’âge de 16 ans cette collection qu’il avait toujours accrue et qu’il augmentait encore à 84 ans ». Né en 1755, d'une longue lignée de maréchaux ferrant parisiens, il était entré à 14 ans à l'Ecole d'Alfort. A l'issue de ses études, Bourgelat, le père des écoles vétérinaires, le retint comme répétiteur et le nomma professeur de matière médicale en 1772 - il avait 17 ans ! -, puis le chassa en 1774 avec pour tout bagage une appréciation de son style : "sujet qui aurait été excellent s'il ne se fût adonné au vin et au libertinage" ». On est loin de la sage et discrète dynastie du Verne.
Quand en 1792, Huzard épousa Rosalie Vallat la Chapelle, fille d'un éditeur et libraire renommé, sa vie bascula pour l’extase. « Quel bonheur pour un bibliophile dans l'âme ! On raconte, continue Silvestre (4), qu'il utilisa les presses de sa femme pour rééditer des textes rares en quelques exemplaires seulement, réservés à sa collection personnelle ! Sa quête passionnée des livres n'a pas seulement pour but d'alimenter les bibliothèques d'Alfort et de Lyon, mais aussi d'enrichir sa collection personnelle.
La dispersion des
bibliothèques est dans l’ordre des choses. Elle est parfois décidée par le
collectionneur lui-même. Ce fut le cas avec celle de Maurice Garçon, avocat
terrible, qui demanda que sa bibliothèque consacrée à la démonologie soit
expressément vendu aux enchères pour qu’elle ne puisse pas tomber entière dans
le bec d’un néophyte ou d’un inconscient. Mais le plus souvent ces ventes sont
histoires d’héritage, de goût ou de dégoût, d’intérêt ou de désintérêt. Huzard
n’avait pas laissé de dernières volontés bibliophiliques. Peut-être avait-il
considéré que son gendre Louis Bouchard-Huzard, imprimeur rigoureux, membre fondateur de la Société d'agriculture de la Seine et membre de
plusieurs autres sociétés savantes serait son vivant héritage. Henri Parent, un
autre grand collectionneur de livres de chasse, racontait qu’à l’inverse Joseph
du Verne avait instamment demandé que sa collection soit gelée quelques
dizaines d’années ; certains parlèrent même d’une durée emphytéotique. Nous ne sommes pas si loin des
99 ans avancés puisque voilà 83 ans que Joseph du Verne est mort. Jean-Baptiste
Huzard a tiré sa révérence il y a 178 ans. Force est de constater qu’on continue à
perpétuer leur mémoire, à chérir les exemplaires de leurs bibliothèques. Je ne
sais pas vous, mais moi, je trouve tout ça formidablement optimiste! © texte et illustrations villa browna / Valentine del Moral
LE LIVRE QUI A PERMIS D’ÉCRIRE CETTE LORGNETTE est en vente à la librairie
LE LIVRE QUI A PERMIS D’ÉCRIRE CETTE LORGNETTE est en vente à la librairie
François Grenier
Douze sujets de chasse à tir dessinés sur pierr
Paris, London, Ch. Motte, 1830. Vignette contrecollée du marchand d’estampes Giraldon-Bovinet.
In-4
oblong, demi-veau. Manque en bas du dos.
Table
manuscrite, douze planches. Mouillures pâles et éparses.
Rare
ensemble de la première série de douze lithographies dessinées par Grenier et
gravées par Ch. Motte ayant conservée ses belles couvertures bleues romantiques illustrées.
Exceptionnelle
provenance puisque que c’est l’exemplaire de la bibliothèque de J.B.
Huzard.
Cet
exemplaire a reçu, calligraphié à la main à l’encre noire, une page d’ex-libris
et une page de table des planches.
On
reconnaît de surcroît sur la premier de couverture le tampon d’ex-libris à la
griffe d’Huzard.
Elève
de David et Guérin, le peintre et lithographe François Grenier (1793-1867) fit
des merveilles en compositions cynégétiques et romantiques. De grand format,
ces scénettes pleine de charme ne sont pas dénuées d’humour.
Noviciat
– chasseurs engravés – le chasseur en jouissance – L’oiseau de proie – Paysan
braconnant – Chasse au brochet – Le déjeuner – Chasse au marais – l’Affut – La
rencontre – Le désagrément de chasser sans chien – Agréable partie de chasse
dans les plaines de la Beauce.
Demander détails et/ou prix
Demander détails et/ou prix
NOTES
(1) vente à Paris, galerie Charpentier, 76, rue du Faubourg Saint-Honoré. 75 008 Paris
(1) vente à Paris, galerie Charpentier, 76, rue du Faubourg Saint-Honoré. 75 008 Paris
(2) Il fut publié en
1842 chez Mme Veuve Bouchard-Huzard
(3) bibliothécaire du
Cabinet du roi et membre éminent de la Société d'agriculture de Paris
(4) Notice biographique sur M. J.-B. Huzard ... par M. le baron A.-F. de Silvestre, etc. (Extrait des Mémoires de la Sociéte royale et centrale d'agriculture.)
(4) Notice biographique sur M. J.-B. Huzard ... par M. le baron A.-F. de Silvestre, etc. (Extrait des Mémoires de la Sociéte royale et centrale d'agriculture.)