#PourCeuxQuiSontPressés
#BenjaminCréateurDuPortrait-charge
#GrandCheminDeLaPostéritéCharivarique
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#Gautier #Rachel #Baucher
Pour ceux qui n'ont pas non plus le temps, mais qui le prennent quand même.
Roubaud, Benjamin Roubaud dit Benjamin, tout court. Ça ne vous dit pas
grand-chose ? Misère ! C’est-y pas malheureux « cet oublié qui fréquenta
tant de gloires, celui qui fut le premier de la lignée des Nadar, des Carjat,
des Cham, Grévin et tous les spécialistes du portrait charge »(1). Si
j’ajoute qu’il ne fut pas moins que LE créateur de ce portrait-charge et que
« Benjamin arriva d'un seul coup à porter ce genre de portraits à sa plus
grande perfection »(1), vous comprendrez aisément que les deux frises du
chemin de la Postérité charivarique que nous déplions aujourd’hui sous vos yeux
sont parfaitement importantes, d’une part car à elles deux, ces lithographies
panoramiques déroulent le célébrissime Grand chemin de la postérité, d’autre part car on ne la trouve pas
facilement sous la roue d’un vélib’.
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Benjamin, Le grand chemin de la postérité. Les Gens de lettres |
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Le Roi-Poire |
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Kuniyoshi se fiche de la censure |
En France,
s’engouffrant dans la brèche ménagée par Grandville en 1835, qui en
lithographiant les bustes satiriques de Dantan, esquissa le portrait-charge,
Roubaud s’empara de l'ébauche et la malaxa jusqu’à en tirer ces petits corps à
grosses têtes dont les silhouettes vont marquer la seconde moitié du XIXe s.,
comme celles des Barbie marqueront la seconde moitié du XXe s. Chaque
caricature est publiée dans le Charivari de
Philippon, et ce jusqu’au printemps 1842. C’est que l’on appellera le Panthéon
Charivarique.
Mais le papier
journal s’envole en fumée presque aussi rapidement que les bandes magnétiques
envoyées à Jim Phelps et rapidement Benjamin comprend qu’il faut graver dans le
marbre ses créatures grotesques. Vers 1842, il se rapproche de l’éditeur
Aubert. Il va publier chez lui trois Chemins
de la Postérité sur lesquels déambuleront ses bonhommes à la page. Une
première procession publiée en 1843, rassemble les Gens de lettres. Deux autres
suivront, mettant en boite les Comédiens et les Artistes lyriques. Elles sont
aujourd’hui d’une rareté insigne. Celle des Comédiens, menée par la grande
Rachel, est entre nos mains. Celle des Gens de lettres itou,
en tête de
laquelle cavale un jeune et chevelu Victor Hugo. La jambe tendue, la pointe des
pieds sur le bord de l’étrier, il chevauche un Pégase à ailes et queue de
dragon dignes des protégés de Daenerys Targaryen. Il brandit une oriflamme sur
laquelle est inscrite : "Le laid c'est le beau". On y reconnait le
point d’orgue de la préface de Cromwell : « Le laid existe à côté du
beau, le difforme près du gracieux, le grotesque au revers du sublime, le mal
avec le bien, l’ombre avec la lumière. » Paul Lafargue, gendre de Marx -
Karl, pas Groucho - et fondateur avec Jules Guesde du Parti ouvrier
français, affirmait qu’Hugo « se signait dévotement
devant la formule sacramentelle du romantisme : l'art pour l'art et [que] quand il était besoin d'éveiller l'attention
publique il tirait des coups de pistolet : le beau, c'est le laid est le plus bruyant de ses pétards. » (3)
Benjamin ne dit-il pas la même chose en dessinant un Hugo reconnaissable au
premier coup d’œil, grand front, sourcils froncés, bouche crispée. Il faudra
attendre qu’Hugo devienne grand-père gâteau pour qu’une autre image détrône
celle-ci. Mais Benjamin qui mourra jeune, ne sera plus là pour redessiner sa
nouvelle enveloppe.
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Le beau c'est le laid |
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Théophile Gautier |
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Dumas VS Huggy les bons tuyaux |
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la taille de "Guêpes" de Karr |
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Benjamin, Le grand chemin de la postérité.Les comédiens |
On frise ici un joyeux n’importe quoi que la deuxième procession, celles des comédiens, vient accentuer encore. Sur celle-ci, Benjamin a bien tenté d’ordonner les idoles des planches parisiennes en six tableaux : la Tragédie, la Comédie, le Drame, le Mélodrame, le Cirque-Olympique et les Champs-Elysées. Mais l’essai a viré au fiasco. Ici, ça se hurle dessus, ça se bouscule, ça se menace, ça se crêpe le chignon, ça gesticule. Quant à Rachel qui mène le cortège sur un char digne de l’entrée de Jules à Rome, elle écrase « ses rivales, marche à la postérité, triomphante, adulée, couronnée ». En fin de manif, le mime Debureau lui-même, dans sa tenue de Pierrot lunaire, semble s’égosiller tant il tend haut unefeuille de route signée par Jules Janin. Seul peut-être le grand écuyer Baucher, engagé par les Franconi depuis quelques temps au cirque des Champs-Élysées, semble interdit. Connu pour ses présentations de chevaux admirablement dressés, « stupéfiant les spectateurs par la précision avec laquelle il les montait », c’est à son tour d’être stupéfié : Benjamin lui a fait le truc de la Petite Sirène : son cheval se retrouve avec des gambettes de petit rat de l’Opéra, tandis que lui se voit flanqué de deux antérieurs de cheval.
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Baucher |
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Ca se hurle dessus, ça se bouscule, ça se menace, ça se crêpe le chignon |
Ces deux panoramas énervés qui se déplient en accordéon sont protégés par des chemises vertes moirées, frappées de lettres d’or. L’impression sage qui s’en dégage ne fait qu’intensifier le capharnaüm intérieur. On imagine que chaque personnage retient son souffle, attendant pour s’animer que nous déployions la longue feuille de papier. C’est comme si les portraits-charge de Benjamin avaient compris de travers les règles du 1, 2, 3 soleil, se figeant quand le maitre du jeu ne les regarde pas et s’affolant quand il se retourne pour les détailler.
C’est que Benjamin ne s’est jamais laissé rattraper par son procédé et a toujours fait dans la finesse. Il ne se sera pas reposé sur ses lauriers, restant à l’affut de la nouveauté, ne craignant pas l’aventure. Ce Parisien de Provence s’installa en Algérie vers 1843 comme correspondant de l’Illustration, donnant la toute première série de costumes de l'Algérie (5). C’est là-bas écrit Maxime du Camp « sous ce beau soleil d'Alger, que [s’éteignit] à l'hôpital du Dey, Benjamin Roubaud, le peintre avec qui [Théophile Gautier et moi] avions fait la campagne de Kabylie et qui nous avait suivi pendant tout notre voyage, frissonnant déjà de la maladie qui l'a emporté »(4)
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Benjamin, un air de Musset? |
LES LIVRES QUI ONT PERMIS D’ÉCRIRE
CETTE LORGNETTE sont en vente à la librairie
PANORAMA Benjamin Roubaud dit Benjamin
Le grand chemin de la postérité. Les Gens de lettres
Paris, Aubert et cie, [1842]. Frise dépliable en six panneaux.
Reliure éditeur in-4 carré, en percaline moirée verte. Un léger accroc à la première de couverture. Usures aux coins et charnières.
La planche la plus célèbre. L’Armée Romantique y est menée par Victor Hugo chevauchant un pégase à queue de dragon en brandissant une bannière sur laquelle est inscrite : "Le laid c'est le beau". A sa suite, marchent Théophile Gautier, Cassagnac, Francis Wey et Paul Fouché, puis Alexandre Dumas, Eugène Sue, Lamartine, Eugène Scribe, Soulié, Balzac, Jules Janin, Paul de Kock, Charles Desnoyer, Alphonse Karr, etc…
Le grand chemin de la postérité. Les Gens de lettres
Paris, Aubert et cie, [1842]. Frise dépliable en six panneaux.
Reliure éditeur in-4 carré, en percaline moirée verte. Un léger accroc à la première de couverture. Usures aux coins et charnières.
La planche la plus célèbre. L’Armée Romantique y est menée par Victor Hugo chevauchant un pégase à queue de dragon en brandissant une bannière sur laquelle est inscrite : "Le laid c'est le beau". A sa suite, marchent Théophile Gautier, Cassagnac, Francis Wey et Paul Fouché, puis Alexandre Dumas, Eugène Sue, Lamartine, Eugène Scribe, Soulié, Balzac, Jules Janin, Paul de Kock, Charles Desnoyer, Alphonse Karr, etc…
PANORAMA Benjamin Roubaud dit Benjamin
Le grand chemin de la postérité. Les comédiens.
Paris, Aubert et cie, [1853]. Frise dépliable en six panneaux. Tâche claire en bout de frise.
Le grand chemin de la postérité. Les comédiens.
Paris, Aubert et cie, [1853]. Frise dépliable en six panneaux. Tâche claire en bout de frise.
Reliure éditeur in-4 carré, en
percaline moirée verte. Usures aux coins et charnières.
Une des planches les plus rares. S’y côtoient emmenés par Rachel, les chantres de la tragédie, la comédie, le drame, le mélodrame, le cirque-Olympique et les Champs-Elysées.
Une des planches les plus rares. S’y côtoient emmenés par Rachel, les chantres de la tragédie, la comédie, le drame, le mélodrame, le cirque-Olympique et les Champs-Elysées.
NOTES
(1) in Commedia- Numéro du mardi 9 Août 1927. Par A. Grels-Mick.
(2) www.petitpalais.paris.fr/fr/expositions/fantastique-kuniyoshi-le-demon-de-lestampe
(1) in Commedia- Numéro du mardi 9 Août 1927. Par A. Grels-Mick.
(2) www.petitpalais.paris.fr/fr/expositions/fantastique-kuniyoshi-le-demon-de-lestampe
(3) Paul Lafargue, La légende de Victor Hugo
(4) Maxime du Camp, Théophile Gautier
(5) Louis Piesse, Itinéraire de
l'Algérie, de Tunis et de Tanger, 1882.