#PourCeuxQuiSontPressés.
C'est dommage dans la suite, il est question de :
C'est dommage dans la suite, il est question de :
#Monselet #Lacam #AlexandreDumas #CuisinièrePoetique #SupercherieGastronomique
#Maladresse #Embonpoint #Esprit #LesCopainsDabord #PouletRoti #Gastronomie #GourmetVSGourmands
#Lorgnette #ChineursImpénitents #CelineAyméAmis
Pour ceux qui n'ont pas non plus le temps, mais qui le prennent quand même.
Monselet,
poète-gastronome, bonhomme au point d’être souvent chahuté par ses
pairs et ses disciples, n’a pas inventé de recette, n’a pas révolutionné
la cuisine. Mais « de sa Cuisinière poétique à ses Dîners littéraires, en passant par l'Almanach gourmand et par maints ouvrages minuscules, que de charmants riens » il nous a laissés !
Sa Cuisinière poétique
par exemple, qui tient dans notre main, est un délicieux pot-pourri de
textes donnés par ses amis. Elle fait la joie de l’épicurien du XXIe s.
comme elle fit celle du grand pâtissier Pierre Lacam qui posséda
l’exemplaire que nous feuilletons aujourd’hui.
La cuisinière poétique de Lacam |
Il
n’y a pas de hasard à trouver les deux noms associés. Pierre Lacam et
Charles Monselet vécurent non pas d’amour et d’eau fraîche (ça va pas la
tête ! Trop peu dans l’assiette), mais de gastronomie et d’encre. Il
n'y a acun doute: Monselet fit « trembler d'intelligence les narines » de Lacam.
Lacam, l’auteur du Mémorial historique de la Pâtisserie, l’inventeur de la gaufreuse et du file-sucre, fut un bibliophile éclairé. «
Bibliophile à son heure, il a réuni dans le cours de ses dix dernières
années, environ 700 volumes anciens et quelques modernes, qui formèrent
une bibliothèque gastronomique des plus rares ».
Il était parait-il «
très naïf malgré ses petites malices […] bon et obligeant toujours » et
en cela, il ressemblait à Monselet, Monselet si candide à qui Chavette
fit une sale blague. Il truqua tout un déjeuner dans le but
de démasquer son ami qui se disait gourmet alors qu’il n’était selon
lui que gourmand. Le dit Chavette – anagramme de Vachette, restaurateur
fameux en son temps dont il était le fils -, gastronome
justicier, convia un aréopage de fines gueules en les appâtant avec un
menu dantesque. Il serait servi un potage nids d’hirondelle, de la
barbue sauce crevettes, des côtelettes d’isard sauce piquante, du coq de
bruyère bourré d’olives, etc. .... Le tout sera arrosé de Clos-Vougeot,
Château-Larose et Johannisberg. « Monselet
était ravi. Il trouva exquis les nids d’hirondelle, s’extasia sur la
barbue, redemanda trois fois du coq de bruyère et déclara que jamais
comète n'avait favorisé de meilleurs crus.
– Je te tiens enfin, dit Chavette avec un ricanement emprunté à Méphistophélès. Les nids d'hirondelle que tu viens de manger sont des nouilles à la purée de flageolets ... La barbue, que tu as trouvée délicieuse, c'est un cabillaud cuit sur deux peignes jaunâtres placés dos à dos et cousus ensemble.[…] Les côtelettes d'isard , continua- t-il, sont des côtelettes d'agneau marinées dans du bitter ; le coq de bruyère est un petit dindonneau, sur lequel on a versé un verre d' absinthe. On a fait le Clos-Vougeot en additionnant la bouteille d’une cuillerée de cognac et d’une fleur de violette, et le Château-Larose n’est que du Mâcon dans lequel on a versé quelques gouttes de punch Grassot.
– Et le Johannisberg ?
– Chablis ordinaire.
– Cependant, ce parfum des petites fleurs des bords du Rhin ?
– Un peu d’essence de thym extraite d'un bain au sel de Pennès !
Et on ne le perdit pas parce que Monselet était un doux, un tendre, un charmant ami. « Il
continua donc courageusement sa lugubre besogne de pantagruélique
gaieté. […] Cet écrivain d'un si rare talent, qui pour vivre était
obligé de chanter joyeusement les victuailles, […] fut en somme à peu
près contraint de devenir gastronome, pour ne pas mourir de faim ». Et
ce faisant, il contribua à la gloire de la Cuisine.
Par sa silhouette d’abord. « Mon renom de gourmet me vient uniquement de ce que je suis grassouillet » disait-il avec humour. Et
s’il fut léger d’esprit c’est peut-être justement parce qu’il était
lourd de corps. La fée Nature avait tiré la langue et fait un pied de
nez au-dessus de son berceau. Et toc, il était né pied-bot. Opéré avec
succès, il garda cependant une démarche trainante et secrètement
douloureuse. La fée-pas-fair-play le dota de surcroît de maladresse. « La légende veut que, convié à la table du duc d’Aumale, Charles Monselet
ait renversé, par un brusque mouvement d'avant-bras, une bouteille de
Saint-Estèphe, en même temps que le verre de son voisin. A l'issue du
dîner, le duc d'Aumale offrit un cigare à Monselet
: celui-ci, qui ne fumait jamais, accepta avec effusion. Au bout de
cinq minutes, il déposa son cigare dans un coin et manqua d'incendier
les rideaux de l'hôtel de la préfecture. »
– Je te tiens enfin, dit Chavette avec un ricanement emprunté à Méphistophélès. Les nids d'hirondelle que tu viens de manger sont des nouilles à la purée de flageolets ... La barbue, que tu as trouvée délicieuse, c'est un cabillaud cuit sur deux peignes jaunâtres placés dos à dos et cousus ensemble.[…] Les côtelettes d'isard , continua- t-il, sont des côtelettes d'agneau marinées dans du bitter ; le coq de bruyère est un petit dindonneau, sur lequel on a versé un verre d' absinthe. On a fait le Clos-Vougeot en additionnant la bouteille d’une cuillerée de cognac et d’une fleur de violette, et le Château-Larose n’est que du Mâcon dans lequel on a versé quelques gouttes de punch Grassot.
Au parfum de petites fleurs des bords du Rhin... |
– Et le Johannisberg ?
– Chablis ordinaire.
– Cependant, ce parfum des petites fleurs des bords du Rhin ?
– Un peu d’essence de thym extraite d'un bain au sel de Pennès !
Chavette triomphait ; Monselet, d'abord abattu, releva bientôt la tête et saisissant une main à chacun de nous, il dit d'un ton doux et résigné :
– J’ai des enfants ... ne me perdez pas ! »
– J’ai des enfants ... ne me perdez pas ! »
Mais
tout ça n’est rien face à sa tournure d’esprit qui lui permit de brosser
le portrait craché de Dumas en une ligne : « Dumas ? Lorsqu’il ne
faisait pas sauter un roman, il faisait sauter des petits oignons ».
le rempart des amis. Monselet entourés de Scholl, Méry, Dumas et Gautier. |
Mais tout ça n’est rien face au rempart de ses amis.
Delvau affirme que « citer toutes les relations de Charles Monselet serait citer toute la littérature de cette époque ». Pourtant timide, un autre talent hérité de la mauvaise fée qui décidément était ce jour-là de mauvaise humeur, il devint entre autres l’ami de Nerval. Par chance, Monselet raconta la genèse de cette amitié : « Un jour, sa timidité enhardissant la mienne, il n'y avait que nous deux dans le salon, j'eus l'audace de l'inviter à dîner. Nous allâmes au restaurant. Je ne me lassai pas de l'entendre. Après le dîner, Gérard me prit sous le bras, et je commençai avec lui, dans Paris, une de ces promenades qu'il affectionnait tant. » Avec Théophile Gautier il se promena aussi souvent. « A travers les rues, les places, les jardins, sans s'inquiéter des regards qui nous suivaient, Gautier me menait, écoutant, discutant les rimes. ». Ces promenades amicales annonce celle que Marcel Aymé proposa à Louis-Ferdinand Céline pour solde de tout compte d’une sombre brouille imbécile. Les deux hommes firent le tour du pâté de maison, sans dire un mot. Céline rentra chez lui. La querelle était vidée. Ils étaient à nouveau amis. De la vertu de la promenade amicale sans être forcément dominicale.
Delvau affirme que « citer toutes les relations de Charles Monselet serait citer toute la littérature de cette époque ». Pourtant timide, un autre talent hérité de la mauvaise fée qui décidément était ce jour-là de mauvaise humeur, il devint entre autres l’ami de Nerval. Par chance, Monselet raconta la genèse de cette amitié : « Un jour, sa timidité enhardissant la mienne, il n'y avait que nous deux dans le salon, j'eus l'audace de l'inviter à dîner. Nous allâmes au restaurant. Je ne me lassai pas de l'entendre. Après le dîner, Gérard me prit sous le bras, et je commençai avec lui, dans Paris, une de ces promenades qu'il affectionnait tant. » Avec Théophile Gautier il se promena aussi souvent. « A travers les rues, les places, les jardins, sans s'inquiéter des regards qui nous suivaient, Gautier me menait, écoutant, discutant les rimes. ». Ces promenades amicales annonce celle que Marcel Aymé proposa à Louis-Ferdinand Céline pour solde de tout compte d’une sombre brouille imbécile. Les deux hommes firent le tour du pâté de maison, sans dire un mot. Céline rentra chez lui. La querelle était vidée. Ils étaient à nouveau amis. De la vertu de la promenade amicale sans être forcément dominicale.
De la vertu de la promenade amicale. De Monselet et Nerval à Céline et Aymé |
Mais tout ça n’est rien non plus, face à ses enthousiasmes dont l’un, déçu, engendra la délicieuse Cuisinière poétique.
Le dimanche 21 février 1858 sortait le premier numéro du journal Le Gourmet.
On y trouvait une mosaïque de menus les plus variés, des recettes, des
faits divers réunis sous la rubrique des Coudes sur la table. Le compte
rendu des théâtres était quant à lui donné du point de vue digestif.
Six mois plus tard, le 1er août 1858, le 24ème numéro du Gourmet
était mis en vente. Il fut le dernier. Le journal ne manquait pas
d’intérêt, les plumes étaient inspirées mais les abonnements tardèrent. Le Gourmet mourut. De ses cendres, en 1859, Charles Monselet exhuma la Cuisinière poétique, épaulé dans cette entreprise par ses anciens collaborateurs, ses toujours amis, Méry, Alexandre Dumas, Théodore de Banville, Théophile Gautier, Aurélien Scholl, pour ne citer que ceux-là.
« Les collaborateurs de la Cuisinière poétique ne sont pas, on le voit, des cuisiniers ordinaires, et les recettes qu'ils ont publiées sous la direction du chef Monselet sont loin d'être banales, écrit Georges Vicaire. Ce petit ouvrage, où fourmillent les anecdotes les plus spirituelles en même temps que les plus culinaires, est en prose et en vers. Alexandre Dumas y donne la manière de faire rôtir un poulet; Duranty, celle de traiter les boudins de Lille, et, tandis que Méry chante, en alexandrins, les apprêts savants de la bouillabaisse chère aux Marseillais, Monselet disserte avec l'esprit le plus fin et le plus délicat sur les avantages et l'utilité de la gastronomie.»
Le Gourmet. journal |
« Les collaborateurs de la Cuisinière poétique ne sont pas, on le voit, des cuisiniers ordinaires, et les recettes qu'ils ont publiées sous la direction du chef Monselet sont loin d'être banales, écrit Georges Vicaire. Ce petit ouvrage, où fourmillent les anecdotes les plus spirituelles en même temps que les plus culinaires, est en prose et en vers. Alexandre Dumas y donne la manière de faire rôtir un poulet; Duranty, celle de traiter les boudins de Lille, et, tandis que Méry chante, en alexandrins, les apprêts savants de la bouillabaisse chère aux Marseillais, Monselet disserte avec l'esprit le plus fin et le plus délicat sur les avantages et l'utilité de la gastronomie.»
Vicaire
a du souffrir de ne pas citer tout le sommaire, comme nous souffrons
aujourd’hui de devoir trancher dans le vif de la foison des bonnes
pages. On salive en déchirant avec la môme de Louis de Dax la papillote
« surprise » dans laquelle « de blancs filets de volaille se dorlotaient
sur un lit de petites truffes rondes et noires, frétillant dans du
beurre frais mêlé à un fin hachis de cèpes et d’herbes odorantes ». On
trépigne quatre pages durant pour avoir la recette entière de
« l’omelette philosophale » à la fleur d’oranger de Ch. Bataille,
omelette « qu’il n’est pas inutile de faire précéder par un fort
chateaubriand à la moelle, garni d’oranges de Compiègne ».
Petit format, grand plaisir |
Dans
ce petit volume, aucun contributeur ici ne « prêche comme saint Jean
dans le dessert ».La joie de faire la cuisine, le bonheur de la partager
y sont célébrés. L’agora gastronomico-littéraire de l’époque
cristallisée. On a irrésistiblement envie de glisser ce petit format
dans sa poche au moment d’affronter les rames de métro bondées, les
réunions parents-professeurs, les réponses de certains guichetiers de la
Poste, les call centers déshumanisés.
Et on
d’autant plus raison qu’à notre connaissance, aucune loi n’empêche de
descendre dans la rue semer la bonne parole
bibliophilique.
Avant
de descendre sur le quai, de se ratatiner devant le professeur de maths,
de fulminer au guichet ou de composer quatre chiffres fatidiques, il
reste à relever la filiation entre l’auteur et le lecteur, entre le
mangeur et le faiseur, entre Monselet et Lacam.
La cuisine et la chine, déesses de Monselet et Lacam |
Tous
les deux furent des chineurs impénitents. On a dit qu'à sa mort la
bibliothèque de Lacam renfermait près de 700 livres anciens et des plus
rares. Cette collection hors pair, il la connaissait sur le bout des
doigts et s'appuya sur elle pour rédiger ses livres fameux. De son côté,
Monselet, sous aucune contrainte, avoua que sa vraie « vocation » était
de bouquiner, c'est-à-dire rechercher les vieux livres: « J'ai bouquiné
dès ma plus tendre enfance, en allant à l'école. J'ai bouquiné étant
jeune homme, et j'ai quelquefois oublié un rendez-vous pour un casier de
volumes poudreux et déchirés. Je bouquine encore aujourd'hui ; et si ce
n'est plus à un rendez-vous que je manque, c'est parfois à un dîner que
je me fais attendre. Je bouquinerai probablement jusqu'à la fin de mes
jours. J'ai bouquiné partout où j'ai pu : A Lyon, sur la place de
l'Hôtel-Dieu ; à Bordeaux, sur les fossés des Tanneurs et les fossés
Saint-Éloi ; à Strasbourg, à la foire aux Guenilles; au Havre, près du
Collège; à Londres, près de Temple-Bar ; à Bruxelles, dans la Rotonde du
Marché ; à Turin, sous les arcades de la rue du Pô ; à Florence, devant
les Offices ; partout enfin où le hasard m'a poussé ».
Lacam à l'encre |
Ce n’est en revanche pas un hasard si La Cuisinière poétique
s’est jetée dans les bras de Lacam qui, fier de sa conquête, n’a pas
manqué de tatouer en biais, en haut de la page qui fait face à la page
de titre, son nom et la date de son acquisition.
Une question reste en suspens.
Celle de savoir qui à sa suite fera pénétrer la belle dans sa bibliothèque et qui la troussera joyeusement?
© texte et illustrations villa browna / Valentine del Moral
Celle de savoir qui à sa suite fera pénétrer la belle dans sa bibliothèque et qui la troussera joyeusement?
© texte et illustrations villa browna / Valentine del Moral
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Le livre qui a permis d'écrire cette lorgnette est:
Charles Monselet
Paris, Michel Lévy, collection Hetzel et Lévy, (Bruxelles, typ. Vve J. Van Buggenhoudt), s.d. (1859).
199 pp., dont le faux-titre et le titre.
In-32, demi-basane claire, élégants plats de papier, dos à nerfs orné.
Edition originale charmante et rare.
Ex-libris manuscrit du célèbre Pierre Lacam daté de 1898.
Ex-libris manuscrit du célèbre Pierre Lacam daté de 1898.
Pour composer son florilège, Monselet qui affirme que la gastronomie «fait trembler d’intelligence nos narines», s'est entouré d’écrivains gastronomes à la plume vive et pleine d’humour.
De la célèbre bibliothèque du pâtissier Pierre Lacam qui après une carrière prestigieus e, après avoir inventer la gaufreuse, déserta ses fourneaux pour l’écriture. infos/prix