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#ChaussuresFantaisistes #FétichismePied
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Pour ceux qui n'ont pas non plus le temps, mais qui le prennent quand même.
« Ouhaaaa
ouha ouha oua, la cômédie, la cômédie, … la comédie d’un jour» ou plutôt celle
d’une époque, voilà ce dont témoignent en technicolor les 20 planches de l’Album du Progrès, Costumes Historiques,
Artistiques et Travestis.
Elles
parurent une par une, de 1856 à 1876, dans le journal du Progrès : journal des véritables intérêts de l'art du tailleur et des
Modes de Paris. « Cet Album, de la plus grande beauté comme art et
comme curiosité, est composé des principaux costumes de travestissements qui
ont été publiés dans le journal le Progrès,
[…] des travestissements de tous genres, ainsi que tous les costumes
pittoresques, fantastiques, artistiques pour bals et soirées. »[1]
En avant la zizique |
C’est que le
Second Empire, voyez-vous, fut l’empire des bals costumés. « Dans les
milieux officiels, nul ne s'affranchissait des bals travestis donnés par des
membres du gouvernement, et les fonctionnaires de l’ordre le plus austère se
faisaient une obligation de se costumer pour y assister. Ne vit-on pas le grave
M. Feuillet de Couches, maître des cérémonies impériales, en mandarin chinois?
[…] La tyrannie du travestissement s'étendait même aux sénateurs. »
Ah ! Voir dans Point de Vue, Gérard Larcher en Jules II, François Baroin en petit marquis poudré, Samia Ghali en Catherine de Russie ! Voilà qui éclairerait notre horizon bouché de complets Arnys bleu nuit et de costumes Agnès B. sombres.
Ah ! Voir dans Point de Vue, Gérard Larcher en Jules II, François Baroin en petit marquis poudré, Samia Ghali en Catherine de Russie ! Voilà qui éclairerait notre horizon bouché de complets Arnys bleu nuit et de costumes Agnès B. sombres.
Quoiqu’il en
soit, ces braves élus « éprouvèrent quelque soulagement, lorsque, vers la
fin du règne, on adopta les manteaux vénitiens […] Ils avaient aussi la
ressource du domino, mais celui-ci exigeait le masque et vous livrait à
l'intrigue. »[2]
Panoplie du domino |
Mais la
fantaisie de cette seconde moitié du 19e s. ne pouvait pas se
contenter de sages dominos. On avait décidé une fois pour toutes de ne pas se
prendre au sérieux et on s’habilla en seigneur hongrois, en Ecossais, en
troubadour florentin, en soubrette Louis XV, en torero, en matelot, en Pierrot,
en Mâconnaise, en Méphistophélès. On décida aussi de mélanger tout ce petit
monde hétéroclite et on mit dans le même salon la reine des fous, une farouche
fille du Caucase, la dame de pique et une humble laitière.
Sur
les planches colorées de l’album, les déguisements ne sont pas portés par des
mannequins en celluloïd mais par des êtres de chair et de sang.
Certes les
belles dames ont toutes la même taille fine, certes les beaux messieurs ont
fait rafraichir leurs moustaches chez le même barbier, mais si l’on prend le
temps de s’attarder, on découvre que ces archétypes profitent de l’occasion
pour se conter fleurette. Les mains se cherchent et se trouvent, les regards se
croisent, les duos se font trios. Rien de bien étonnant à cela. C'était dans
l'air du temps. Un invité au très select bal costumé donné par l’Impératrice le
9 février 1863, à ce bal pendant lequel pour la première fois on dansa le
quadrille des Abeilles, ne se souvenait-il pas qu’il « fut des plus brillants,
et un tant soit peu leste »[3].
L’empereur
ne fut pas le dernier à jouer le jeu du travestissement. A l’extrême gauche de
la troisième planche du recueil, se tient un bey armé de coutelas, dont la
barbe de trois jours dissimule les moustaches et la barbichette célèbres de
Napoléon III. C’est en tous cas ce que j’ai décidé de croire après avoir lu
qu’à « un bal costumé donné par le président du Corps législatif, Napoléon III
s'était déguisé en Bédouin et portait un masque. On le reconnaissait aisément à
sa démarche un peu traînante, mais la consigne était de ne pas le reconnaître.
Il portait dans son ceinturon un poignard richement orné de pierres en
imitation. Il s'approcha de la princesse de Metternich lui demanda si elle
n'avait pas peur d'un homme armé jusqu'aux dents. Elle répondit qu'en effet, sa
vue la faisait trembler et que le seul moyen de la rassurer était de lui donner
son magnifique poignard.
A quatre mains, et plus si affinité. |
Pauvre bédouin! |
— Que
veux-tu donc en faire? demanda-l-il.
— J'en
démonterai les pierres pour qu'on me les monte en bijoux.
— Sais-tu
que chacune de ces pierres vaut un million?
— Allons
donc ! s'écria la pétulante ambassadrice. Un pauvre Bédouin comme toi aurait
vendu depuis longtemps ces pierres, si elles valaient un prix pareil. Quand tu
seras rentré chez toi, demain matin, à ton réveil, tu m'enverras ton poignard.
Je n'en ferai pas faire de bijou pour moi, mais je le conserverai en souvenir
de toi dans un musée qu'a mon mari en Bohême, dans un château qui s'appelle
Königswart.
Le lendemain
matin, on apporta à la princesse un petit paquet bien ficelé qui contenait le
poignard en question avec un bout de papier sur lequel se trouvaient écrits ces
mots tracés de la main de l’Empereur : « De la part du pauvre Bédouin ». »
Le pauvre
bédouin s’enticha dans les années 1856-57 d’une italienne volcanique, qui
aurait été une « Marianne » parfaite pour sa Seconde
République… s’il ne l’avait pas transformée en Empire. Il s’agissait de
Virginia de Castiglione.
Elle était
devenue la maitresse de Napo en juin 1856 et, dès juillet de la même année,
elle commença à poser devant l’objectif de Pierre-Louis Pierson. La Castiglione
se fit entre autres tirer le portrait dans ses tenues de bals masqués. Sa
présence sulfureuse émane de l’Album du
Progrès. On pourrait jouer longtemps au jeu des ressemblances, mais nous
nous limiterons – puisque vous avez un train à prendre, une réunion à rejoindre
– à deux exemples :
La Castiglione - Dames de cœurs et de pique |
La Castiglione - La Frayeur |
Sur la planche n°20, une femme de dos se rue sur un personnage masculin. Sa robe est lestée d’une guirlande de vigne chargée de grappes de raisin. Le premier mouvement serait d’y reconnaitre une bacchante alors qu’il faudrait plutôt y voir une évocation de la Frayeur que La Castiglione décida, l'espace d'un soir, de personnifier. On ne doit pas non plus s’empêcher de voir dans la Dame de pique de l’Album, un rappel de la Dame de cœurs qu’incarna Virginia au bal du 17 février 1857. Les deux robes quoique dissemblables à première vue, méritent qu’on les détaille. Toutes deux affichent la couleur. On y découvre une kyrielle de piques sur l’une et de cœurs sur l’autre. Mais par-dessus tout, elles possèdent un décolleté sans corset fait de gaze légère portée à même la peau qui, selon les veinards qui allèrent à ce bal, laissait deviner la jolie poitrine de l’Italienne.
Les acteurs
et actrices, les chanteurs et chanteuses à la mode hantent également les
planches de papier. Or, on remarque que ces vedettes qui brillèrent sous
Napoléon III, sont essentiellement représentées dans les planches exécutées
après 1870. Comme si… comme si, dès les premiers jours de la IIIe République,
on était tombé en nostalgie pour l’Empire second du nom.
Faure-Méphistophélés |
Levesque-Chicard |
Rendons gloire à Chicard, célébrité de la rue comme on n’en fait plus. C’était à la ville, un marchand en cuirs de la rue Quincampoix nommé Levesque. Il inventa son costume, sa propre chorégraphie et organisa un bal de carnaval prié, le très fameux bal Chicard. Outre les inamovibles bottes fortes et gants à manchette de buffle, son costume se composait d'un bizarre assemblage d’objets hétéroclites qu’il variait à l’infini. Un plumet colossal devait impérativement trôner sur son casque qui dans l’album est confectionné à partir d’un moule à biscuit.
Hortense Schneider - Veuve de Malabar |
Marie Sasse-L'Africaine |
Comme ce fut le cas dans la « vraie » vie, les égéries du boulevard, les divas des planches rivalisent d’audace dans les feuilles de l’album. On retrouve les tenues imaginées pour Marie Sasse dans l'Africaine de Meyerbeer, pour Hortense Schneider dans la Veuve du Malabar d’Hervé, pour Blanche d'Antigny, Minerve dans la Boite de Pandore de Litolff. Le costume de Cora Pearl dans l’Orphée aux Enfers de Jacques Offenbach éclabousse la quinzième planche comme il monopolisa la presse et les conversations de l’époque. Ceux d’Hortense Schneider créés pour la Barbe-Bleue et La grande duchesse de Gerolstein du même Offenbach témoignent un peu plus encore de la gloire du musicien.
Blanche d'Antigny-Minerve |
Hortense, duchesse de Gerolstein |
Cora Pearl dans Orphée aux Enfers |
OffenbachS |
D’autres personnages observent en même temps que lui et nous les scènes joyeuses du Progrès. Ce sont ces personnages qui nous tournent le dos, hommes et femmes, assis ou debout.
Au bal costumé, on lorgne et on se fait lorgner.
Au bal costumé, on ose aussi. On fait fi des bonnes manières en fourrant ouvertement ses mains dans ses poches.
Les hommes se transforment l’espace d’une soirée en mauvais garçons, brigands napolitains, Méphistophélès, meurtriers patibulaires de l’affaire du Courrier de Lyon dont les cous se perdent dans des tours de chiffon noués à la diable. A l’époque du fait divers, en cette fin du 18e s., le cou n’avait décidément pas la côte.
en cette fin du 18e s., le cou n’avait décidément pas la côte. |
Virginie Déjazet |
Or donc, de
charmants déjazets colonisent
l’Album, indien, Figaro, page de la reine des fous, poissonnière-garçonne
napolitaine en culottes courtes dévoilant mollets et genoux.
La Castiglione, toujours elle, dans la décennie 1860 avait fait prendre ses jambes dénudées en photo. Le cadrage de ces clichés en dit long sur l’entreprise : les jupes y sont ostensiblement relevées mais le haut du corps volontairement non photographié. La terrible italienne avait également fait prendre en photo ses pieds chaussés et nus. Elle les avait également faits mouler.
C’était le temps où l’on prenait son pied en apercevant le gros orteil de son aimée.
délicieux Déjazets |
La Castiglione, toujours elle, dans la décennie 1860 avait fait prendre ses jambes dénudées en photo. Le cadrage de ces clichés en dit long sur l’entreprise : les jupes y sont ostensiblement relevées mais le haut du corps volontairement non photographié. La terrible italienne avait également fait prendre en photo ses pieds chaussés et nus. Elle les avait également faits mouler.
les pieds de la Castiglione sous toutes les coutures |
C’était le temps où l’on prenait son pied en apercevant le gros orteil de son aimée.
Voilà qui
eut du sens et qui n’en a plus. Quoique. Hormis en été désormais addict à la tong, le pied se
dévoile toujours moins vite que l’épaule, le sein, les reins ou la fesse et de ce
fait, continue étrangement à faire travailler notre imaginaire amoureux.
Nous ne mettrons pas le doigt dans l’engrenage fétichiste du pied, ou seulement un chouilla, le temps de nous extasier sur le feu d’artifice donné par les chaussures de cet album de costumes. Pas de talons hauts mais des escarpins, pas de semelles mais des talons rouges, pas de baskets, mais des souliers et des bottines unisexes aux couleurs pétaradantes, aux nœuds, pompons et lacets débridés.
Nous ne mettrons pas le doigt dans l’engrenage fétichiste du pied, ou seulement un chouilla, le temps de nous extasier sur le feu d’artifice donné par les chaussures de cet album de costumes. Pas de talons hauts mais des escarpins, pas de semelles mais des talons rouges, pas de baskets, mais des souliers et des bottines unisexes aux couleurs pétaradantes, aux nœuds, pompons et lacets débridés.
Au pied! |
Et nous
voilà à refeuilleter une fois encore l’album du Progrès, cette fois le regard
vissé sur les tatanes.En remontant un tout petit peu le regard, on tombe avec
étonnement sur quelques enfants échappés des nurserys. L’un tombe amoureux
d’une belle dame qui s’est mise à ses genoux. L’autre siffle un verre de
Sancerre rouge. Rien que de très banal là-dedans. Pourquoi les petits d'hommes n'auraient-ils pas eu le droit de se déguiser eux aussi?
« Il y eut entre autres aux Tuileries, un bal d'enfants [donné pour le
Prince Impérial]. Des lumières et des fleurs à profusion, comme dans les grands
bals, un orchestre superbe; dans un salon voisin, on avait établi un théâtre de
guignol en permanence; on goûtait par table de trente enfants à la fois. […] Le
menu était assez copieux pour des estomacs d'enfants. Sandwichs, petits pains
au foie gras, des crèmes, des aspics, des fruits, des fraises magnifiques, en
abondance, du chocolat, du café glacé et du… Champagne frappé. Au milieu de la
matinée, M. de Verdière fit son apparition dans le bal en costume d’œuf de
Pâques; la tête d'un jeune poulet lui servant de coiffure, émergeait de
la coquille. On fit cercle autour de lui comme il se mit à distribuer des
cadeaux, ce fut bientôt une vraie cohue. […] Cette fête était naturellement en
matinée. Elle prit fin à six heures. On pense si les enfants, après avoir
gambadé, couru, dansé, mangé et bu plusieurs heures de suite, dans cette
atmosphère de chaleur et de lumière, eurent besoin de prendre un repos
prolongé. »
Bambins précoces |
Le 23 avril
1867, c’est au tour de la Comtesse de Fleury d’offrir chez elle, au petit
Prince, un bal costumé auquel il ne peut pas prendre part étant tombé malade.
Pour le consoler, on fait confectionner un album[6] de 92 photographies au format
carte de visite présentant les petits invités déguisés. Les costumes singent
ceux de leurs parents : napolitains, espagnols, déesses, marquises et
marquis poudrés, reines et bergères, tous posent avec conviction.
On observe dans les prénoms des bambins, une palanquée de Napoléon et quelques
Napoléone.
César-Napoléon |
En ça, les
parents étaient moins pusillanimes que les créateurs des planches du Progrès. En effet, si Napoléon - number one s’entend - apparait dans l’Album, c'est sous le nom sibyllin de César.
Bien qu'incognito, il pose au beau milieu de la planche datée de 1870. Simple coïncidence ou allusion lourde de sens? Bien informé celui qui pourrait répondre à cette question. Reste que Napoléon, puisque c’est lui sans conteste, porte fort bien la couronne de laurier, cette couronne qu’un esclave tenait dans la Rome antique, au-dessus de la tête du triomphateur sans cesser de lui susurrer à l’oreille des mises en garde dont les plus célèbres restent cave ne cadas (prends garde de ne pas tomber !) et memento mori (souviens-toi que tu es mortel).
Mais Bonaparte se l’était collée tout seul sur la tête, la couronne de laurier. Aucun esclave n’avait eu droit au chapitre.
Bien qu'incognito, il pose au beau milieu de la planche datée de 1870. Simple coïncidence ou allusion lourde de sens? Bien informé celui qui pourrait répondre à cette question. Reste que Napoléon, puisque c’est lui sans conteste, porte fort bien la couronne de laurier, cette couronne qu’un esclave tenait dans la Rome antique, au-dessus de la tête du triomphateur sans cesser de lui susurrer à l’oreille des mises en garde dont les plus célèbres restent cave ne cadas (prends garde de ne pas tomber !) et memento mori (souviens-toi que tu es mortel).
Mais Bonaparte se l’était collée tout seul sur la tête, la couronne de laurier. Aucun esclave n’avait eu droit au chapitre.
Et ce qui devait arriver, arriva. Il tomba.
Napo III tomba à sa suite.
Quant au Prince Impérial, sanglé dans son uniforme britannique, il tomba de cheval attaqué par les zoulous. Quand on le retrouva, « son cadavre portait dix-sept blessures, toutes par-devant, et les marques sur le sol, comme sur les éperons, indiquaient une résistance désespérée »[7].
La
« fête impériale » était bel et bien terminée. © texte et illustrations villa browna / Valentine del Moral
LA REVUE QUI A PERMIS D’ÉCRIRE CETTE LORGNETTE est en vente à la librairie.
Album du Progrès, Costumes Historiques, Artistiques et Travestis.
Paris, Auguste Picart, s.d. (1876).
In-4 oblong, reliure postérieure, percaline et première de couverture formée de la page de couverture initialement brochée.
In-4 oblong, reliure postérieure, percaline et première de couverture formée de la page de couverture initialement brochée.
21
planches, soit une page d’explication des 19 premières planches, les 19
planches en question et une planche supplémentaire pour 1876.
Rare et fort intéressant témoignage sur les bals costumés en vogue sous le Second Empire. Ces planches parurent initialement une par une, de 1856 à 1876, dans le journal du Progrès : journal des véritables intérêts de l'art du tailleur et des Modes de Paris.
Très beaux coloris, bien frais. Petits incidents mineurs aux bords des planches.
Demander détails et/ou prix
[1][1] In
le journal le Moniteur
de la coiffure.
[2][2] Fleury
& Sonolet, La Société du Second Empire 1867-1870.
[3][3] Albert
Verly, Souvenirs du Second Empire.
[4][4] In
La Mode, 1846.
[5][5] C.
Khoury, «Le travesti dans le théâtre du XIXe
siècle : une distribution à contre-genre ?», agon.ens-lyon.fr
[6][6] Pour
feuilleter l’album conservé à Compiègne. www.photo.rmn.fr
[7][7] Récit
du capitaine Molyneux, du 22e régiment
A.D.C.