JUSTE QUELQUES LIGNES POUR CEUX QUI SONT PRESSÉS. (C’est dommage : dans la suite du texte les chiens Miraut et Dingo mènent leurs lecteurs par le bout du nez).
Pergaud par son ami Rocher |
Rien n’est plus vivant qu’un auteur mort ressuscité par la plume d’un ami «poète et dessinateur». J’en prends pour preuve le portrait qu’Edmond Rocher, collaborateur de la Revue blanche et grand manitou de l'école Estienne, brossa en 1923 de Louis Pergaud aux « yeux noirs, mobiles et malicieux, [qui] luisaient gaîment, pour peu que l'atmosphère lui semblât sympathique ; au grand rire bon enfant ; et dont la grande mèche de cheveux noirs, où déjà il neigeait se secouait en causant ». Rien n’est plus vivant… sauf peut-être un livre de l’écrivain lui-même avec un envoi de sa main et truffé d’une lettre annonçant la naissance d’un roman aussi incontournable que La guerre des boutons. Or, c’est un de ces rares exemplaires qui sert aujourd’hui de tremplin à l’évocation de Louis Pergaud tué en 1915 arrêté par les barbelés et les balles allemandes le 7 avril, à moins que ce ne fut le lendemain par un tir de barrage français qui écrabouilla l’hôpital allemand de Fresnes-en-Woëvre, où il avait été transféré.
QUELQUES LIGNES SUPPLÉMENTAIRES POUR CEUX QUI N’ONT PAS NON PLUS LE TEMPS (mais qui le prennent).
Fidèle en amitié, qui le rendait loquace et joyeux, Louis Pergaud l’était aussi à sa campagne comtoise qui lui collait au corps, même après plusieurs mois de frottement au bitume parisien. Lucien Descaves qui l’avait surnommé « Pergaud-le-rustique » avait raconté que « quand il arrivait chez [lui], le dimanche, [il avait] l’impression que l’on ouvrait la fenêtre… l’air entrait avec lui ». Écrivant à son ami Charles Callet, Pergaud revendiquait ce parfum de sous-bois, confessant adorer les livres, bien qu’il fasse « bon quelquefois, loin d’eux, se laisser tout doucement redevenir une brute harmonieuse ». Pas étonnant alors que la nature et les naturels – animaux et enfants – aient peuplé ses histoires à l’instar de ce Roman de Miraut – chien de chasse, dont l’exemplaire que nous présentons contient, entre autres, un envoi à Charles Grandmougin (1850 – 1830), le poète de la Franche Comté. Dans une critique de 1922 d’un de ses recueils, Grandmougin est décrit comme « un sympathique. La sympathie qu'il inspire est méritée [et enrichie de]qualités fortes et agréables qui ont déjà fait la réputation du poète. Il a l'énergie et la douceur, l'élan et le sourire, l'amour profond des beaux paysages et le regard amusé qui se pose sur un joli tableautin ». Comment s’étonner alors que son cadet lui ait fait parvenir son roman en guise d’hommage? Leurs qualités sont voisines, même s’il y a chez Pergaud une âpreté absente chez son ainé et que son ami Rocher avait su fixer : « Nous avons tous connu — nous, ses
"Lisée", Pergaud, Cybèle, Miraut |
Les êtres humains sont bel et bien les protagonistes secondaires de cette saga canine et si Pergaud la dédia à Paul Léautaud, ce n’est ni par hasard ni parce qu’ils fréquentaient tous les eux le Mercure de France, l’un en tant qu’auteur, l’autre en tant que secrétaire des éditions. Pour qu’il n’y ait pas d’équivoque, la dédicace avait d’ailleurs été clairement rédigée : « Je dédie ce livre à ceux qui aiment les chiens et particulièrement à mon excellent ami Paul Léautaud, romancier rarissime, chroniqueur savoureux, providence des chats perdus, des chiens errants, et des geais borgnes ».
Il reste que Miraut le simple, le cabot de nos campagnes, avait bien failli se faire ravir l’existence par un autre clebs, imaginé par Octave Mirbeau, un étranger celui-là, arrivé en caisse d’Australie et en feuilleton dans Le Journal alors que Pergaud mettait la touche finale à son roman. « Ce fut chez lui une stupeur qui dura quelques jours. Le pauvre n’en dormit plus, s’enfiévrant à l’idée qu’on put l’accuser d’avoir suivi le maître. […] Après la lecture de quelques feuilletons, Pergaud respira. C’était tellement autre chose, que le retentissement de Dingo ne pouvait en rien diminuer le succès de Miraut, qui, en bon chien campagnard, suivit son petit bonhomme de chemin ». Qu’Edmond Rocher soit célébré pour ce souvenir qui nous attache un peu plus le probe Pergaud.
"une certaine saveur locale et gauloise" |
LE LIVRE QUI NOUS A PERMIS D’ÉCRIRE CETTE LORGNETTE est actuellement en vente à la librairie:
Louis Pergaud. Le roman de Miraut, chien de chasse.
Paris, Mercure de France, 1913.
In-12 broché, sous chemise et emboitage postérieurs. 424, [4] pp.
Edition originale numéroté. Exemplaire du service de presse poinçonné des lettre M[ercure de] F[rance]. Un envoi de Pergaud à Charles Grandmougin et une lettre au même évoquant la genèse de La guerre des boutons. Pour en savoir plus, commander, ou recevoir la liste : envoyez-nous un e-mail!