Dolet, de cape et d'épée! |
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#recevoirlesprochaineslorgnettes
Pour ceux qui n'ont pas non plus le temps, mais qui le prennent quand même
A lire la vie d’Etienne Dolet, on se dit qu’il aurait fait un impeccable personnage de cape et d’épée et qu’il aurait pu être le héros d’un film d’André Hunebelle. Poursuivi par le Destin, compromis par ses ennemis, acculé à tuer, servi par un caractère (trop) entier, emprisonné à répétition, évadé une fois, sauvé in extremis d’autre fois, il aurait dû taper dans l’œil du réalisateur.
Oui, mais voilà. Le crâne précocement dégarni, le squelette allongé et parfois secoué de crises de palu, Dolet n’aurait décemment pas pu être incarné à l’écran par Jean Marais, l’acteur fétiche d’Hunebelle.
Oui, mais voilà. En guise de fer, Dolet dégainait du plomb, préférant à l’épée les livres qui ne sont foncièrement pas cinégéniques.
Oui, mais voilà.Sson histoire finit mal. Or, il est inconcevable qu'Henri de Lagardère, Rodolphe de Sambreuil ou le Capitan soient zigouillés à la fin de l'histoire.
AGAÇANT, CRISPANT...ATTACHANT DOLET
Deux livres entrés coup sur coup à la librairie permettent cependant de le regretter. C’est que l’on finit par s’attacher à la figure de cet humaniste à l’érudition époustouflante, à l’intransigeance totale.
L’un des deux ouvrages, tiré à 120 exemplaires en 1830, réédite son rare Second Enfer. L’autre - Estienne Dolet, sa vie, ses œuvres, son martyre –retrace en 1857 les 37 années d’existence de notre héros malheureux. Cet exemplaire est envoyé par son auteur, Joseph Boulmier, qui composait des vers, buvait sec, fréquentait Jules Vallès et les libres-penseurs. Il fut « le premier à présenter, de manière très explicite, Dolet comme un martyr de la libre pensée. Il fut d'ailleurs aussi un des tout premiers à faire usage de l'expression « libre pensée », tout au moins par la voie de l'imprimé »(1).
TUANT ANACHRONISME
De quoi continuer par-delà la mort, à faire de Dolet un mal compris. Dans sa trépidante biographie, Boulmier s’entête à faire de Dolet un libre penseur du XIXe, alors qu’il fut d’abord un homme de son temps, de ce XVIe paradoxalement humaniste et inquisiteur, un défenseur de la pensée antique, un amoureux de la page imprimée. De là à en faire un anticlérical, un hérétique, un anar, il y a un trop grand pas qu’il est insensé de franchir.
GRANDE GUEULE, OUI !
En revanche, grande gueule, il l’était, oui ! Qui dit tout haut ce que d’autres pensaient tout bas depuis des siècles. Qui n’hésitait pas à envoyer balader ceux qui lui déplaisaient, divine Vénus y compris : « Va te faire pendre, déesse impudique ; va, cruelle peste des mortels. »
Grande gueule encore quand prenant fait et cause pour les étudiants toulousains, il devient un bouc-émissaire bientôt bouté hors de la ville.
Grande gueule enfin quand il appelait un chat un chat, faisant fi du tact le plus élémentaire. Il fit ainsi l’éloge sans bémol de Sébastien Gryphe : « Parmi tant d'imprimeurs, j'en connais trois hors ligne; le reste est une tourbe qui meurt de faim. Robert Estienne brille par la correction, Simon de Colines par la beauté des caractères. Habile d'esprit comme de main, Gryphius réunit ces deux qualités. »
LES COPAINS D’ABORD
Que l'on juge de la conscience avec laquelle travaillait Gryphius : huit fautes seulement pour 1708 colonnes in-folio relevées dans l’index erratorum du premier volume des Commentaires de la langue latine de Dolet, « énorme compilation d'étymologies, de racines et d'élucubrations parfois saugrenues, bourrée de notes et de digressions à lire à loisir. »(2) Parce que l’on n’est jamais mieux servi que par soi-même, Etienne Dolet devint à son tour son propre imprimeur et par la même occasion celui de ses amis. Et des amis, il en eut et des plus marquants. Non pas « des amis choisis par Montaigne et La Boétie » pour la simple raison que Michel n’avait que 13 ans quand il mourut et Etienne 16. Mais des amis pas cochons tout de même, de l’acabit de Budé et de Rabelais qu’il rencontra à Lyon.
ENVOI DE BILLETS DOUX PAR LIVRES INTERPOSÉS
Rabelais, « cet Homère bouffon dont notre imprimeur, en bon et féal compaing qu'il était, publia l'Iliade en l'an de grâce 1542 »(3). Dolet, entre autres gages d'amitié, lui consacra trois de ses Poésies latines dont celle qui met en scène un condamné à mort par pendaison qui se marre de se retrouver sur la pierre de dissection, sous le scalpel de Rabelais : « Pends-toi, Fortune ! Je nage dans les honneurs, moi que tu as voulu servir en pâture aux corbeaux, moi dont tu as prétendu faire le jouet des vents. » C’est que les humanistes du XVIe s’envoyaient des billets doux par livres interposés. L’exemple le plus célèbre et le plus réjouissant reste l’Encomium Moriæ d’Érasme, dont le titre peut être indifféremment traduit par Eloge de la folie ou Eloge de More. Or Thomas More était le grand ami d’Erasme avec qui il partageait le goût de l'humour à froid et d'autres jeux de l'esprit.
CLÉMENT MAROT, SON POTEAU, SON FRÉROT
On ne s’étonnera pas alors que les inimitiés aussi se soient retrouvées livrées en pâture au fil des publications. Quand Dolet se brouilla définitivement avec Clément Marot, son poteau, son frérot, celui que François 1er avait fait revenir d’exil en 1536, les deux hommes réglèrent leurs comptent sur papier. Contrefaisant le poète Martial, Clément attaqua Etienne à grand renfort de vers vengeurs : « Et non obstant tes gros tomes divers / Sans bruict mourras cela est arresté : / Car quel besoing est-il homme pervers / Que l’on te sache avoir jamais esté? » « Marot n'a pas eu de bonheur dans sa prophétie [écrit Boulmier]. Bien des opinions peuvent se formuler sur le compte de Dolet; mais à coup sûr, on ne dira jamais qu'il n'a pas fait de bruit à sa mort » comme on va le voir.
SIRE, J’VOUS JURE, J’AI PAS FAIT EXPRÈS
Pour son biographe, « il y a des époques où il fait bon vive, il y en a d’autres, en revanche, où il fait beau mourir ». Dolet en eut très vite la prémonition. La vingtaine à peine entamée, il commence à se mettre les édiles à dos. A Toulouse, en prenant la tête des remous estudiantins, « il apporte le premier fagot à l'horrible bûcher qui devait le dévorer plus tard. »(3) Il est une première fois emprisonné et, grâce à la protection de l’évêque Jean de Pins – un proche de François 1er - seulement banni de la ville.
François Ier qui lui a alors accordé pour dix ans le privilège d’imprimer, réapparait dans son curriculum vitae à l’aube de 1537. Le 31 décembre 1536 en effet, l’humaniste a réglé son compte à un peintre qui lui cherchait des noises et frise l’arrêt de mort. Comme l'homicide est accidentel – juré, craché -, Le roi intercède à nouveau en sa faveur.
DOLET, DOLOIRE, DOULEUR
Il s'établit alors imprimeur à Lyon et choisit une enseigne typographique en forme de gag visuel : de Dolet, il passe phonétiquement à doloire, petite hache de tonnelier. Etienne la fait représenter tenue par une main sortie d'un nuage. L'instrument, suspendu comme l’épée de Damoclès, semble prêt à frapper le tronc d'un arbre déjà abattu. Connaissant la fin de l’histoire, on serait tenté d’y voir le symbole du condamné dans l’attente du coup mortel. Pourtant, l’image est benoitement légendée « Scabra et impolita ad amvssim dolo atqve perpolio - Je polis et repolis le raboteux des écrits », bref, je fais au mieux mon boulot d’imprimeur.
LE NOUVEAU PROMÉTHÉE
On le croit alors rangé des voitures. On a tort. Il publie la Bible en français. Il veut rendre accessible le feu sacré des Ecritures. Mais pour qui il se prend l’humaniste ? Pour le nouveau Prométhée ou quoi ? Dans le doute, on lui prend rendez-vous avec la sainte inquisition. Et c’est parti pour 15 mois d’emprisonnement. Pierre du Castel, évêque de Tulle s’émeut. François 1er s’agite. Il faudra cependant deux injonctions royales pour que les geôliers arrêtent de faire la sourde oreille. Entre temps, par un arrêt du parlement de Paris en date du 14 février 1543, treize ouvrages, presque tous imprimés par Dolet, et quelques-uns composés par lui, ont été « condamnez à estre bruslez, mis et convertis ensemble en cendres, comme contenant damnable, pernicieuse et hereticque doctrine. »
A lire la vie d’Etienne Dolet, on se dit qu’il aurait fait un impeccable personnage de cape et d’épée et qu’il aurait pu être le héros d’un film d’André Hunebelle. Poursuivi par le Destin, compromis par ses ennemis, acculé à tuer, servi par un caractère (trop) entier, emprisonné à répétition, évadé une fois, sauvé in extremis d’autre fois, il aurait dû taper dans l’œil du réalisateur.
Oui, mais voilà. Le crâne précocement dégarni, le squelette allongé et parfois secoué de crises de palu, Dolet n’aurait décemment pas pu être incarné à l’écran par Jean Marais, l’acteur fétiche d’Hunebelle.
Oui, mais voilà. En guise de fer, Dolet dégainait du plomb, préférant à l’épée les livres qui ne sont foncièrement pas cinégéniques.
Oui, mais voilà.Sson histoire finit mal. Or, il est inconcevable qu'Henri de Lagardère, Rodolphe de Sambreuil ou le Capitan soient zigouillés à la fin de l'histoire.
AGAÇANT, CRISPANT...ATTACHANT DOLET
Deux livres entrés coup sur coup à la librairie permettent cependant de le regretter. C’est que l’on finit par s’attacher à la figure de cet humaniste à l’érudition époustouflante, à l’intransigeance totale.
L’un des deux ouvrages, tiré à 120 exemplaires en 1830, réédite son rare Second Enfer. L’autre - Estienne Dolet, sa vie, ses œuvres, son martyre –retrace en 1857 les 37 années d’existence de notre héros malheureux. Cet exemplaire est envoyé par son auteur, Joseph Boulmier, qui composait des vers, buvait sec, fréquentait Jules Vallès et les libres-penseurs. Il fut « le premier à présenter, de manière très explicite, Dolet comme un martyr de la libre pensée. Il fut d'ailleurs aussi un des tout premiers à faire usage de l'expression « libre pensée », tout au moins par la voie de l'imprimé »(1).
TUANT ANACHRONISME
De quoi continuer par-delà la mort, à faire de Dolet un mal compris. Dans sa trépidante biographie, Boulmier s’entête à faire de Dolet un libre penseur du XIXe, alors qu’il fut d’abord un homme de son temps, de ce XVIe paradoxalement humaniste et inquisiteur, un défenseur de la pensée antique, un amoureux de la page imprimée. De là à en faire un anticlérical, un hérétique, un anar, il y a un trop grand pas qu’il est insensé de franchir.
GRANDE GUEULE, OUI !
En revanche, grande gueule, il l’était, oui ! Qui dit tout haut ce que d’autres pensaient tout bas depuis des siècles. Qui n’hésitait pas à envoyer balader ceux qui lui déplaisaient, divine Vénus y compris : « Va te faire pendre, déesse impudique ; va, cruelle peste des mortels. »
Grande gueule encore quand prenant fait et cause pour les étudiants toulousains, il devient un bouc-émissaire bientôt bouté hors de la ville.
Grande gueule enfin quand il appelait un chat un chat, faisant fi du tact le plus élémentaire. Il fit ainsi l’éloge sans bémol de Sébastien Gryphe : « Parmi tant d'imprimeurs, j'en connais trois hors ligne; le reste est une tourbe qui meurt de faim. Robert Estienne brille par la correction, Simon de Colines par la beauté des caractères. Habile d'esprit comme de main, Gryphius réunit ces deux qualités. »
LES COPAINS D’ABORD
Que l'on juge de la conscience avec laquelle travaillait Gryphius : huit fautes seulement pour 1708 colonnes in-folio relevées dans l’index erratorum du premier volume des Commentaires de la langue latine de Dolet, « énorme compilation d'étymologies, de racines et d'élucubrations parfois saugrenues, bourrée de notes et de digressions à lire à loisir. »(2) Parce que l’on n’est jamais mieux servi que par soi-même, Etienne Dolet devint à son tour son propre imprimeur et par la même occasion celui de ses amis. Et des amis, il en eut et des plus marquants. Non pas « des amis choisis par Montaigne et La Boétie » pour la simple raison que Michel n’avait que 13 ans quand il mourut et Etienne 16. Mais des amis pas cochons tout de même, de l’acabit de Budé et de Rabelais qu’il rencontra à Lyon.
ENVOI DE BILLETS DOUX PAR LIVRES INTERPOSÉS
Rabelais, « cet Homère bouffon dont notre imprimeur, en bon et féal compaing qu'il était, publia l'Iliade en l'an de grâce 1542 »(3). Dolet, entre autres gages d'amitié, lui consacra trois de ses Poésies latines dont celle qui met en scène un condamné à mort par pendaison qui se marre de se retrouver sur la pierre de dissection, sous le scalpel de Rabelais : « Pends-toi, Fortune ! Je nage dans les honneurs, moi que tu as voulu servir en pâture aux corbeaux, moi dont tu as prétendu faire le jouet des vents. » C’est que les humanistes du XVIe s’envoyaient des billets doux par livres interposés. L’exemple le plus célèbre et le plus réjouissant reste l’Encomium Moriæ d’Érasme, dont le titre peut être indifféremment traduit par Eloge de la folie ou Eloge de More. Or Thomas More était le grand ami d’Erasme avec qui il partageait le goût de l'humour à froid et d'autres jeux de l'esprit.
CLÉMENT MAROT, SON POTEAU, SON FRÉROT
On ne s’étonnera pas alors que les inimitiés aussi se soient retrouvées livrées en pâture au fil des publications. Quand Dolet se brouilla définitivement avec Clément Marot, son poteau, son frérot, celui que François 1er avait fait revenir d’exil en 1536, les deux hommes réglèrent leurs comptent sur papier. Contrefaisant le poète Martial, Clément attaqua Etienne à grand renfort de vers vengeurs : « Et non obstant tes gros tomes divers / Sans bruict mourras cela est arresté : / Car quel besoing est-il homme pervers / Que l’on te sache avoir jamais esté? » « Marot n'a pas eu de bonheur dans sa prophétie [écrit Boulmier]. Bien des opinions peuvent se formuler sur le compte de Dolet; mais à coup sûr, on ne dira jamais qu'il n'a pas fait de bruit à sa mort » comme on va le voir.
SIRE, J’VOUS JURE, J’AI PAS FAIT EXPRÈS
Pour son biographe, « il y a des époques où il fait bon vive, il y en a d’autres, en revanche, où il fait beau mourir ». Dolet en eut très vite la prémonition. La vingtaine à peine entamée, il commence à se mettre les édiles à dos. A Toulouse, en prenant la tête des remous estudiantins, « il apporte le premier fagot à l'horrible bûcher qui devait le dévorer plus tard. »(3) Il est une première fois emprisonné et, grâce à la protection de l’évêque Jean de Pins – un proche de François 1er - seulement banni de la ville.
François Ier qui lui a alors accordé pour dix ans le privilège d’imprimer, réapparait dans son curriculum vitae à l’aube de 1537. Le 31 décembre 1536 en effet, l’humaniste a réglé son compte à un peintre qui lui cherchait des noises et frise l’arrêt de mort. Comme l'homicide est accidentel – juré, craché -, Le roi intercède à nouveau en sa faveur.
DOLET, DOLOIRE, DOULEUR
Il s'établit alors imprimeur à Lyon et choisit une enseigne typographique en forme de gag visuel : de Dolet, il passe phonétiquement à doloire, petite hache de tonnelier. Etienne la fait représenter tenue par une main sortie d'un nuage. L'instrument, suspendu comme l’épée de Damoclès, semble prêt à frapper le tronc d'un arbre déjà abattu. Connaissant la fin de l’histoire, on serait tenté d’y voir le symbole du condamné dans l’attente du coup mortel. Pourtant, l’image est benoitement légendée « Scabra et impolita ad amvssim dolo atqve perpolio - Je polis et repolis le raboteux des écrits », bref, je fais au mieux mon boulot d’imprimeur.
LE NOUVEAU PROMÉTHÉE
On le croit alors rangé des voitures. On a tort. Il publie la Bible en français. Il veut rendre accessible le feu sacré des Ecritures. Mais pour qui il se prend l’humaniste ? Pour le nouveau Prométhée ou quoi ? Dans le doute, on lui prend rendez-vous avec la sainte inquisition. Et c’est parti pour 15 mois d’emprisonnement. Pierre du Castel, évêque de Tulle s’émeut. François 1er s’agite. Il faudra cependant deux injonctions royales pour que les geôliers arrêtent de faire la sourde oreille. Entre temps, par un arrêt du parlement de Paris en date du 14 février 1543, treize ouvrages, presque tous imprimés par Dolet, et quelques-uns composés par lui, ont été « condamnez à estre bruslez, mis et convertis ensemble en cendres, comme contenant damnable, pernicieuse et hereticque doctrine. »
FUMEUSE RÉTROSPECTIVE PERSONNELLE
Dolet vient d’inventer l’autodafé en forme de rétrospective personnelle. Consécration de l’artiste de l’insolence à qui les expositions collectives ne suffisent plus. « Ridicule nation d'insensés ! stupide ramas de fanatiques! Vous espériez donc brûler, en même temps que ces quelques livres, la pensée, l'incombustible pensée qu'ils renfermaient? » (3) Le temps court cependant contre lui. Dolet a allumé une mèche qui inéluctablement se consume et le rapproche toujours plus du bûcher. Celui qui n’aspirait qu’à réfléchir, étudier, écrire et éditer, celui qui a été contraint de lâcher le plomb pour prendre l’épée, le voilà qui est accusé de passer en fraude des ballots de livres interdits. C’est un coup monté. Où est Lagardère ? Pas dans les parages visiblement. Etienne repart en prison, s’en échappe en bernant son geôlier, s’évade en Italie et revient à Lyon,… l’imbécile. Que ne se cache-t-il pas alors sous une bosse comme Jean Marais ? Sans surprise, sans l’aide d’un des rebondissements qui fourmillent dans les scénarios d’Hunebelle, il est repris.
AU GNOUF LE FANTAISISTE
Entre les quatre murs qui l’emprisonnent, Dolet écrit ce qui sera son Second enfer et son faux pas final. Le recueil contient d'une part des suppliques aux Grands de son monde, à François 1er qui cette fois passe son tour et d'autre part la traduction de deux textes supposément de Platon encore jamais traduit en langue vulgaire. On y lit l’Axiochus et en particulier ce tout petit passage : « Après la mort, tu ne seras plus rien du tout ». Plus rien du tout ? Non, mais ça va pas la tête. Et le Paradis alors ? L’Enfer et le Purgatoire ! C’est la goutte d’encre qui fait déborder le vase, celle que l’Inquisition attendait. Hop ! Au gnouf le fantaisiste, au gibet le déséquilibré. Qu’on prépare le bûcher !
DRÔLES DE BOUGIES POUR UN ANNIVERSAIRE
Le 3 août 1546, jour de son anniversaire et de la saint Étienne, après quelques exercices de torture en guise de mise en jambes, on le pend puis on le brûle. Il a évité le brûler-vif en faisant amende honorable sur les planches, risquant cependant un dernier calembour : « Non dolet ipse Dolet sed pia turba dolet. Non ! ce n'est pas Dolet lui-même qui s'afflige, mais cette foule pieuse. » A la suite duquel, le lieutenant criminel aurait répondu : « Non pia turba dolet sed dolet ipse Dolet. Non ! ce n'est pas cette foule pieuse qui s'afflige, mais Dolet lui-même.» La répartie est séduisante mais sans fondement. On n’imagine mal Dolet s’affliger. On l’imagine mieux s’affirmer une dernière fois.
© texte et illustrations villa browna / Valentine del Moral
Dolet vient d’inventer l’autodafé en forme de rétrospective personnelle. Consécration de l’artiste de l’insolence à qui les expositions collectives ne suffisent plus. « Ridicule nation d'insensés ! stupide ramas de fanatiques! Vous espériez donc brûler, en même temps que ces quelques livres, la pensée, l'incombustible pensée qu'ils renfermaient? » (3) Le temps court cependant contre lui. Dolet a allumé une mèche qui inéluctablement se consume et le rapproche toujours plus du bûcher. Celui qui n’aspirait qu’à réfléchir, étudier, écrire et éditer, celui qui a été contraint de lâcher le plomb pour prendre l’épée, le voilà qui est accusé de passer en fraude des ballots de livres interdits. C’est un coup monté. Où est Lagardère ? Pas dans les parages visiblement. Etienne repart en prison, s’en échappe en bernant son geôlier, s’évade en Italie et revient à Lyon,… l’imbécile. Que ne se cache-t-il pas alors sous une bosse comme Jean Marais ? Sans surprise, sans l’aide d’un des rebondissements qui fourmillent dans les scénarios d’Hunebelle, il est repris.
AU GNOUF LE FANTAISISTE
Entre les quatre murs qui l’emprisonnent, Dolet écrit ce qui sera son Second enfer et son faux pas final. Le recueil contient d'une part des suppliques aux Grands de son monde, à François 1er qui cette fois passe son tour et d'autre part la traduction de deux textes supposément de Platon encore jamais traduit en langue vulgaire. On y lit l’Axiochus et en particulier ce tout petit passage : « Après la mort, tu ne seras plus rien du tout ». Plus rien du tout ? Non, mais ça va pas la tête. Et le Paradis alors ? L’Enfer et le Purgatoire ! C’est la goutte d’encre qui fait déborder le vase, celle que l’Inquisition attendait. Hop ! Au gnouf le fantaisiste, au gibet le déséquilibré. Qu’on prépare le bûcher !
DRÔLES DE BOUGIES POUR UN ANNIVERSAIRE
Le 3 août 1546, jour de son anniversaire et de la saint Étienne, après quelques exercices de torture en guise de mise en jambes, on le pend puis on le brûle. Il a évité le brûler-vif en faisant amende honorable sur les planches, risquant cependant un dernier calembour : « Non dolet ipse Dolet sed pia turba dolet. Non ! ce n'est pas Dolet lui-même qui s'afflige, mais cette foule pieuse. » A la suite duquel, le lieutenant criminel aurait répondu : « Non pia turba dolet sed dolet ipse Dolet. Non ! ce n'est pas cette foule pieuse qui s'afflige, mais Dolet lui-même.» La répartie est séduisante mais sans fondement. On n’imagine mal Dolet s’affliger. On l’imagine mieux s’affirmer une dernière fois.
© texte et illustrations villa browna / Valentine del Moral
Les livres qui ont permis d'écrire cette lorgnette sont:
Etienne Dolet
Le second enfer d'Estienne Dolet natif d'Orléans qui sont certaines compositions faictes par luy mesmes sur la justification de son second emprisonnement
Paris, Techener, (1830).
In-12, reliure papier bleu à la Bradel. Petites usures. Léger manque à la coiffe supérieur. [4], 152, 10, [1, 1 bl].
Tirage limité à 120 exemplaires sur papier fort. Exemplaire à grandes marges en partie non coupé. Bandeaux, culs de lampe. Le corps du texte est précédé de la « Réhabilitation d'Etienne Dolet » par Aimé Martin et est suivie des traductions par Dolet de deux dialogues pseudo-platoniciens intitulés, Axiochus et Hipparchus.
Ex-libris à la tortue d’Alfred Migout suivi en page de titre de son tampon encré rouge. Migoute semble avoir collectionné les textes du XVIe s. infos et commande
Joseph Boulmier
Etudes sur le seizième siècle : Estienne Dolet. Sa vie, ses œuvres, son martyre
Paris, Auguste Aubry, 1857.
In-8 demi-chagrin à coins, têt dorées. Faux-titre, frontispice, titre imprimé en rouge et noir, XV, 301 pp.
Tirage limité à 500 exemplaires. Exemplaire non rogné sur vélin.
Envoi de Boulmier (1821-1885) adressé à Edmund W. Gosse. Ex-libris de ce dernier qui fut ami de Robert Louis Stevenson, fin lettré et qui révéla au public britannique l'œuvre de Henrik Ibsen.
Biographie haute en couleurs et riche d’anecdotes. Bibliographie doletienne, ouvrages de Dolet, imprimés par lui-même, ouvrage édités par Dolet.
infos et commande
Le second enfer d'Estienne Dolet natif d'Orléans qui sont certaines compositions faictes par luy mesmes sur la justification de son second emprisonnement
Paris, Techener, (1830).
In-12, reliure papier bleu à la Bradel. Petites usures. Léger manque à la coiffe supérieur. [4], 152, 10, [1, 1 bl].
Tirage limité à 120 exemplaires sur papier fort. Exemplaire à grandes marges en partie non coupé. Bandeaux, culs de lampe. Le corps du texte est précédé de la « Réhabilitation d'Etienne Dolet » par Aimé Martin et est suivie des traductions par Dolet de deux dialogues pseudo-platoniciens intitulés, Axiochus et Hipparchus.
Ex-libris à la tortue d’Alfred Migout suivi en page de titre de son tampon encré rouge. Migoute semble avoir collectionné les textes du XVIe s. infos et commande
Joseph Boulmier
Etudes sur le seizième siècle : Estienne Dolet. Sa vie, ses œuvres, son martyre
Paris, Auguste Aubry, 1857.
In-8 demi-chagrin à coins, têt dorées. Faux-titre, frontispice, titre imprimé en rouge et noir, XV, 301 pp.
Tirage limité à 500 exemplaires. Exemplaire non rogné sur vélin.
Envoi de Boulmier (1821-1885) adressé à Edmund W. Gosse. Ex-libris de ce dernier qui fut ami de Robert Louis Stevenson, fin lettré et qui révéla au public britannique l'œuvre de Henrik Ibsen.
Biographie haute en couleurs et riche d’anecdotes. Bibliographie doletienne, ouvrages de Dolet, imprimés par lui-même, ouvrage édités par Dolet.